Pourtant, et pour peu que l’on sorte des stéréotypes sur les Arabes et leur musique dont on nous rebat les oreilles, on "entend" très vite que ça bouge beaucoup sur la scène musicale, même si on ne comprend pas les paroles ! Bien loin de ratiociner sur leur passé glorieux, les artistes d’aujourd’hui sont à l’écoute du monde dont ils se servent pour régénérer leur héritage.
Au regard de certains de ses voisins, l’Irak en particulier, la tranquille Jordanie ne peut pas se vanter de posséder une immense tradition musicale. La petite révolution qui s’y déroule depuis quelques années n’en a donc que plus de signification par rapport au pays lui-même, qui apparaît désormais comme un des lieux où se font entendre les "musiques alternatives". Elles ont en commun, dans la plupart des cas, de chercher à faire fusionner les traditions arabes avec les sons des musiques du monde.
Pour cela, il a créé Roads to You, une formation musicale qui regroupe des interprètes venus de tous les pays – y compris de Palestine et d’Israël -, relayée par une fondation qui propose notamment des projets au profit de l’enfance défavorisée (Beautifull world).
Sur cette vidéo où le jeune musicien explique son projet musical (en américain, à l’exception de quelques mots seulement en arabe), on peut se faire une idée de ses compositions… On n’est pas obligé d’apprécier mais une chose est certaine : elles ont un énorme succès. En tout cas, elles sont bien à l’image de Zade Dirani : mariage de saveurs orientales et occidentales où les dernières l’emportent tout de même nettement sur les premières qui donnent un peu l’impression de n’être là que pour faire couleur locale… (On peut découvrir davantage sa musique en acoutant cette vidéo qui présente son projet Road to You: Celebration of One World.)
Même cocktail musical, mais dans une proportion qui donne plus de présence à la part arabe, dans l’autre grand succès de la scène musique jordanienne, le groupe Rum. En choissisant, en 1998, le nom de cette partie rocailleuse du désert jordanien – le Wadi Rum -, Tareq Al Nasser (طارق الناصر) et sa sœur Rusul entendaient bien affirmer leur identité locale, même s’ils se proposaient de la renouveler par l’apport du jazz notamment. Le leader, pianiste et accordéoniste, est également compositeur, de musiques de feuilletons en particulier, lesquelles ont fait beaucoup pour la réputation, désormais internationale, dont bénéficie le groupe. Une visite sur leur site (tout en anglais) permet de se faire une idée assez complète de ces variations musicales où l’on peut trouver que les influences étrangères l’emportent un peu trop sur les apports locaux.
Selon les goûts, les proportions du cocktail peuvent varier du tout au tout. Ainsi, un certain nombre d’interprètes choisissent de mettre l’accent - c’est le cas de le dire puisque c’est souvent une question de paroles, chantées dans les variations locales de l’arabe moderne - sur le côté jordanien de leurs créations. On a ainsi le chanteur et guitariste autodidacte Yazan Al Rousan (يزن الروسان) qui propose (voir cette vidéo) une sorte de folksong oriental qui fait écho aux préoccupations de la jeunesse branchée.
Mêmes orientations folk & jazz chez Aziz Maraka (عزيز مرقة), né en Tunisie mais élevé en Jordanie (des exemples musicaux sur son site – intelligemment light pour être utilisable par ceux qui ne disposent pas de connexion au débit), chez Maccadi Nahhas (مكادي نحّاس), surtout dans son second disque Khikhal (خلخال) ou encore chez la chanteuse Ruba Saqr, que l’on peut entendre ici chanter "Sadaqa".
Chez tous ces interprètes, qui appartiennent à la même génération, celle des 20/30 ans, on retrouve un même goût pour les musiques venues d’ailleurs, et en particulier pour le jazz. Dans la très intéressante école du jazz oriental (il faudra bien en parler un jour dans ces billets), la Jordanie peut s’honorer de proposer des tentatives qui méritent d'être écoutées.
Plus encore que le jazz, le rock a ses admirateurs dans la jeune génération : tendance grunge and punck chez Akheer Zapheer (Le dernier soupir ! أخير زفير) : leur dernier titre, "Hob ayam zaman" (Amour d'antan), est pourtant bien sage ; ou carrément Death Metal, Black Metal, Trash Metal, Heavy Metal (c’est eux qui le disent), chez Tyrant Throne (vidéo où le son est pris d’assez loin pour ne pas être trop fort !)
Amman n'est pas une exception et les frontières de la musique bougent beaucoup dans le monde arabe... (à suivre)
En attendant, pour ceux que le sujet intéresse, deux sites parfaitement indispensables et qui ont l'avantage d'être rédigés autant en anglais qu'en arabe :
- The Musical Thoughts of Ruba Saqr, l'interprète de Sadaqa, qui écrit régulièrement pour le quotidien Al-Hayât (ce billet lui doit beaucoup !)
- et Khobbeizeh, qui propose davantage de vidéos, mis en ligne par le graphiste Muhammad Al Qaq.
Bonne écoute !