La technique d’édition » CRISPR/Cas » est aujourd’hui reconnue comme l’une des technologies biomédicales de pointe et d’avenir. La capacité de ces technologies à cibler et faire des coupes précises de l’ADN ou de l’ARN, par l’intermédiaire de bactéries ou de particules qui vont cibler les éléments d’information génétique à modifier, ouvre un nouveau paradigme pour le traitement des maladies à dominante génétique. » CRISPR » est utilisée en recherche fondamentale, cependant, son utilisation chez l’homme n’est pas encore approuvée.
Ces travaux récents d’une équipe chinoise qui rapportent, dans le Journal of Assisted Reproduction and Genetics, le recours à l’édition de gènes chez des embryons humains afin d’introduire une mutation de nature à conférer une résistance anti-VIH, posent évidemment la question des implications sociales et éthiques de l’utilisation de ces méthodes sur des cellules humaines de la lignée germinale (embryons, sperme et œufs et des changements permanents associés, transmissibles ensuite aux prochaines générations. En avril 2015, lorsqu’une équipe chinoise avait déjà testé CRISP sur quelque 80 embryons humains(non viables), certains experts avaient déjà tiré la sonnette d’alarme dans la revue Science, estimant que la limite éthique était franchie. Mais la démarche n’est pas spécifiquement chinoise En janvier 2016, la Human Fertilisation and Embryology Authority (HFEA) britannique a autorisé une recherche de l’Institut Crick Francis à Londres comportant des modifications génétiques sur l’embryon humain via la méthode d’édition de génome » CRISPR « . Aujourd’hui, de nombreux experts se regroupent pour réfléchir au cadre qui devrait être mis en œuvre pour l’utilisation de ces méthodes sur des cellules humaines de la lignée germinale.
Un succès très mitigé : Cette nouvelle initiative chinoise (Canton) a pour objectif de rendre ces embryons résistants -plus tard dans la vie- à l’infection à VIH. L’équipe a utilisé pour cela les outils CRISPR chez des embryons non viables qui ont été détruits au bout de 3 jours. L’idée était d’injecter un variant génétique, nommé de CCR5Δ32 aux embryons humains pour les protéger du sida. L’analyse génétique montre que 4 embryons humains sur les 26 ciblés ont été modifiés avec succès. Mais elle montre aussi que certains embryons subsistent avec CCR5 non modifié et que d’autres ont acquis des mutations différentes de celle recherchée… Il reste donc de l’avis des experts, encore un long chemin pour inactiver, via l’édition de gènes, chez un embryon humain toutes ses copies de CCR5.
Ne pas modifier la lignée germinale humaine reste le principe de base partagé à ce jour par les experts, jusqu’à la mise en œuvre d’un consensus et d’un protocole répondant aux contraintes à la fois scientifiques et éthiques. Pour certains experts, la différence est grande entre les travaux de l’Institut Crick Francis à Londres, qui cherchent à comprendre le rôle des gènes clés au cours des tout premiers jours du développement des cellules qui forment ensuite le placenta et la transformation génétique pure et simple de l’embryon.
Les techniques d’édition de gènes représentent donc une avancée scientifique considérable, mais le consensus général sur un usage médicalement justifié est nécessaire pour ne pas obérer l’avenir de ces technologies et les espoirs qu’elles portent pour la santé humaine.
Sources:
Journal of Assisted Reproduction and Genetics 06 April 2016 DOI: 10.1007/s10815-016-0710-8 Introducing precise genetic modifications into human 3PN embryos by CRISPR/Cas-mediated genome editing
Nature 08 April 2016 doi:10.1038/nature.2016.19718 Second Chinese team reports gene editing in human embryos
Cell Reports April, 2016 DOI: 10.1016/j.celrep.2016.03.042 CRISPR/Cas9-derived mutations both inhibit HIV-1 replication and accelerate viral escape
The Hastings Center April 2016, New Hastings Center Project to Address Profound Questions about Human Gene Editing