Gus Van Sant à la Cinémathèque
Jamais cette expression n’aura aussi bien porté son nom qu’à l’occasion de l’hommage que la Cinémathèque Française rend au cinéaste ? Photographe ? Peintre ? Musicien ? Gus Van Sant.
Le premier film de Gus Van Sant que j’ai vu c’était Will Hunting en 1997. Á l’époque j’allais voir à peu près tous les films qui sortaient et j’avais certainement été beaucoup plus réceptif à la présence de Robin Williams qu’au nom du réalisateur. D’ailleurs, je me souviens avoir trouvé le film bon mais je n’avais pas eu l’impression de voir l’œuvre d’un artiste identifiable, reconnaissable parmi d’autres, qu’il faudrait désormais suivre de près afin de ne plus rater aucune des productions.
Par la suite, son nom est revenu de plus en plus souvent : palme d’or à Cannes pour Elephant, prix spécial du 60ème anniversaire du Festival de Cannes pour Paranoid Park, sorties attendues et médiatisées de ses films.
Quelque chose me gênait chez Gus Van Sant mais je ne savais pas quoi. Était-ce ses influences, ses références, qui n’étaient vraiment pas les miennes (Pasolini, Warhol, William S. Burroughs… bon d’accord, William S. Burroughs ne me dérange pas) ? Était-ce parce qu’il me renvoyait une image des Etats-Unis qui ne correspondait pas à « mon Amérique à moi » ? Mais dans ce cas-là comment pouvais-je aimer et apprécier Stephen King et Kurt Cobain ? Était-ce parce qu’il faisait partie de ces réalisateurs qui, quoi qu’ils fassent, sont sûrs d’aller à Cannes ? Était-ce parce qu’il faisait partie des ces réalisateurs qui, quoi qu’ils fassent, sont encensés par l’Intelligentsia du Cinéma chiant ? Était-ce parce qu’il avait réalisé le remake (quasiment) plan par plan de Psycho et que je déteste les remake ? Était-ce parce qu’il avait fait un faux documentaire mais une vraie fiction sur les trois derniers jours de la vie d’un artiste emblématique de ma génération ?
William S. Burroughs and Matt Dillon in Drugstore Cowboy by Gus Van Sant (1987) © DR
Je ne sais pas. Je sais juste qu’il y a eu Harvey Milk en 2008 et que, là, j’ai compris que j’avais affaire à un vrai artiste à part entière. Je pensais voir un film sur une personnalité et j’ai en fait vu un film sur un mouvement. Le mouvement gay, bien sûr, le mouvement d’une société qui avance et de mentalités qui évoluent, aussi, mais surtout le mouvement (de la caméra) d’un artiste qui nous raconte son histoire à travers l’Histoire, qui nous présente sa vision des choses à partir du regard des autres, qui nous tend un miroir dans lequel les combats d’aujourd’hui se reflètent dans les victoires d’hier.
Je sais aussi que si je vous parle davantage de mon (in)expérience avec Gus Van Sant plutôt que de Gus Van Sant lui-même c’est parce qu’avant de me rendre à l’exposition qui lui est consacrée, je ne connaissais pour ainsi dire pas Gus Van Sant.
1) Je ne savais pas qu’il avait commencé à seize ans par la photographie, qu’il avait, des années 80 à la fin des années 90, avec un Polaroid, immortalisé des centaines de personnes (inconnus, connus, artistes, acteurs et actrices) et que depuis il continuait toujours à s’adonner à cette forme artistique
2) Je ne savais pas qu’il avait réalisé plusieurs courts métrages (dont le dernier en 2008), qu’il avait travaillé comme assistant du producteur Ken Shapiro à la Paramount, comme assistant de production, comme monteur, qu’il avait écrit ses scénarios parfois dix ans avant de les tourner, qu’il avait réalisé des clips (dont Fame 90 David Bowie) et l’épisode pilote de la série The Devil you know.
3) J’ignorais à quel point la ville de Portland (où il vit depuis 1983) était présente et primordiale dans son œuvre (Mala Noche, Drugstore Cowboy, Paranoid Park).
4) Je ne connaissais rien de ses activités picturales, qu’elles s’expriment sous la forme d’aquarelles (exposées à la galerie Gagosian de Los Angeles en 2011) ou de collages, qu’elles représentent la jeunesse sous forme de portraits ou une Amérique fantasmé sous forme de paysages détournés, qu’elles trouvent leurs inspirations dans la vie de tous les jours ou sur Internet.
5) Et si je soupçonnais de sa part un fort intérêt pour la musique en général et les bandes originales de ses films en particulier (rien n’est jamais laissé au hasard dans l’habillage musical de son œuvre cinématographique : aucun morceau de Nirvana dans Last days par exemple) j’étais loin de me douter qu’il avait composé lui-même pour Mala Noche, et surtout qu’il avait eu plusieurs projets musicaux avec William S. Burroughs (album 18 songs about golf enregistré en 1982 et parut en 1998) et Kurt Cobain (projet qui ne verra jamais le jour).
Oui, je ne connaissais pas Gus Van Sant. Je ne savais pas qu’il n’était pas qu’un « simple » réalisateur, qu’il était un artiste complet, que son œuvre était aussi dense et éclectique, qu’il avait plusieurs cordes à son arc, qu’il était dans une recherche constante d’expression créatrice, qu’il était à la fois indépendant et Hollywoodien, fédérateur dans ses expérimentations, ses thèmes, son œuvre.
Je ne connaissais pas Gus Van Sant… Mais j’apprends à le connaître.
GUS VAN SANT, L’EXPOSITION
Du 13/04/2016 au 31/07/2016
(Commissaire Matthieu Orléan)
Á la Cinémathèque Française
51, rue de Bercy
75012 Paris.
Ouvert tous les jours sauf le mardi et le 1er mai.
Horaires d’ouverture : de 12h à 19h, nocturne le jeudi jusqu’à 22h
Plein tarif : 11 euros.
Tarif réduit : 8,50 euros
Moins de 18 ans : 5,50 euros
Libre Pass : accès libre