Longtemps dans l’ombre de son père, on peut dire que Lamberto en Bava avant de réaliser son premier film, Baiser macabre, en 1980. Sur un malentendu dont les versions divergent, il en est promu réalisateur en arrivant sur le plateau alors qu’il pensait être premier assistant. Comme tant d’autre film de genre devenue culte à l’époque des vidéoclubs, la réédition est parfois très tardive. C’est seulement avec la collaboration de Mad Movies qu’une édition DVD a pu voir le jour, en ce mois d’avril 2016.
Jane Baker (Bernice Stegers), une mère de famille adultère, loue une chambre chez une vieille dame affublé d’un enfant aveugle. Alors qu’elle a laissé ses enfants seuls, sous la garde du domestique, sa fille Lucy (Veronica Zinny) assassine son frère et maquille le meurtre en accident. Affolée, sur le chemin du retour, elle a un accident avec la voiture conduite par son amant, Fred Kellerman (Roberto Posse). Un an plus tard, sortie d’asile psychiatrique, divorcée, elle réintègre la maison du jeune aveugle, Robert Duval (Stanko Molnar) dont la mère vient de mourir. Tandis que ce dernier fantasme à son propos, elle semble cacher d’innommables secrets.
Lucy (Veronica Zinny) et Jane (Bernice Stegers)
Avec Baiser macabre, Lamberto Bava reprend certains incunables du cinéma fantastique italien. Parmi eux, la fillette démoniaque ou l’aveugle, il reprend surtout les obsessions nécrophiliques que son père avait notamment mis en scène dans Le corps et le fouet, où, là aussi, une femme adultère était convaincu d’avoir affaire à son amant défunt. Papa dira d’ailleurs, à l’issue de la projection du fiston qu’il pouvait mourir tranquille, la relève étant assurée. Un infarctus du myocarde qui l’emporta l’année-même exauça ses vœux. Baiser macabre est construit crescendo à mesure que les enjeux dramatiques se déplacent de la jeune fille à la mère. Si cette dernière n’a plus du tout sa tête, c’est néanmoins la fillette qui est la source du mal, qui tire les ficelles en sous-main, aggravant le cas de démence. Le jeune aveugle est là pour voir ce que les autres personnages ne peuvent pas voir. Métaphoriquement, son handicap lui permet de pressentir des choses invisibles au commun des mortels. Il est également plus attaché aux bruits environnants. Et il faut dire que pour lui comme pour le spectateur, les bruitages sont certainement l’artifice le plus crade et le plus dérangeant de cette pellicule bizarroïde. La maison semble être un personnage à part entière, habitée ainsi par les râles de plaisir de cette femme sombrant dans la folie.
Lucy (Veronica Zinny), Jane (Bernice Stegers) et Robert (Stanko Molnar)
Il s’agit, pour l’essentiel, des gloussements de désirs des ébats imaginaires de Jane avec le défunt, tout droit sorti du doublage d’un film érotique et que le pauvre Robert supporte tous les soirs. Durant la journée, la caméra suit Jane dans les rues de la Nouvelle-Orléans en y saisissant toute la portée magique. Ces séquences sonnent comme un rappel du vaudou. Faussement gentille, la petite fille est quant à elle passer maître dans l’art de la manipulation et profite de l’ingénuité de façade de Robert. C’est dans cette ambiance, plus mortifère que morbide, que le film se déroule donc, dans une atmosphère diffuse de fantastique pourtant bien ancrée dans une réalité effrayante. Lamberto Bava joue davantage sur les nerfs du spectateur que sur la débauche de gore, ne distillant que quelques scènes chocs qui frappe moins l’imagination que les non-dits persistants. Les dernières minutes du film virent au scabreux, tout à fait gênant, prouvant que malgré l’âge et sa réalisation vieille, Baiser macabre garde un fort pouvoir transgressif. Le dénouement, un poil grotesque, replace le film dans l’autre aspect du cinéma d’exploitation, adjoignant à l’interdit ce qu’il faut de frissons.
Jane (Bernice Stegers)
C’est toujours un plaisir de découvrir des œuvres à part comme seul peuvent nous l’offrir des esprits torturés comme celui de Lamberto Bava. Admettons-le, avec son illustre papa et ayant servi sur les tournages de Dario Argento, il ne pouvait pas en sortir tout à fait indemne. Habitué par des décennies de saillies de plus en plus sanglantes dans l’horreur, peu d’entre nous seront choqué par l’aspect graphique de Baiser macabre, mais il demeure une ambiance sulfureuse qui fonctionne toujours aussi bien. Les amateurs de cinéma interlope, d’ovnis cinématographique devrait y trouver leur compte.
Boeringer Rémy
Retrouvez ici la bande-annonce :