Mambou Aimée Gnali - source Gallimard
Quand j’ai appris qu’une femme de lettres de l’envergure de Mambou Aimée Gnali allait aborder le tchikoumbi dans son nouveau roman L’or des femmes, je me suis dit en mon for intérieur, voilà une occasion à ne pas manquer. Etant d’origine congolaise, le nom de cette femme s’inscrit dans l’histoire récente de ce pays. Première bachelière congolaise, cette dame n’a pas restreint son rôle de précurseur à des simples diplômes scolaires. L'or des femmes est sa seconde oeuvre littéraire...D’une certaine manière, sur le plan de la littérature, elle occupe là encore au Congo Brazzaville, un espace où de manière assez surprenante, les femmes sont si peu présentes. Je l’avais découverte il y a quelques années avec son récit Béto na Béto, le poids de la tribu en témoin des premiers crimes politiques congolais, ouvrage publié à l’époque à la collection Continents noirs de Gallimard. Une dizaine d’années plus tard, elle revient avec un roman très intéressant au cœur de la société vili. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas le Congo, les vili sont un peuple côtier, héritier du royaume Loango. Mambou Aimée Gnali appartient elle-même à l’aristocratie vili.
Mavoungou est le personnage central de ce roman. On ne sait pas trop dans quelle ville on est. Ce pourrait être Pointe-Noire. Le lecteur n’a pas vraiment de repères temporels. Du moins, je ne les ai pas clairement identifiés. Donc, il y a plusieurs manières d’aborder ce roman. En supposant que la pratique du Tchikoumbi est obsolète et qu’elle n’aurait pas survécu à la colonisation. Mon hypothèse de départ abordant le roman de Mambou Aimée Gnali. Ou celle d’une pratique encore développée, comme je viens de l’apprendre en discutant avec mon épouse qui a longtemps vécu à Pointe-Noire. Bon, le tchikoumbi, puisque je perçois l’agacement de certains lecteurs et une pratique d’initiation des femmes à la vie maritale. Pendant plusieurs mois, des classes d’âge femmes pubères sont mises en quarantaine. C’est le cas d’une jeune fille de bonne famille, Bouhoussou. Mavoungou a longtemps protégé cette jeune femme et il s’en est finalement épris.
En analysant le propos de l’auteur, on est en droit de remettre en cause certaines certitudes.
« Dans nos us et coutumes, il s’agit d’un acte visant à perpétuer la famille, à travers une alliance entre familles qui se connaissent et s’apprécient. Il s’agit de pérenniser des liens. C’est d’ailleurs pourquoi nombre d’entre nous ont plusieurs, que nous ne connaissions même pas avant de nous engager. Mais nous connaissons leurs familles et savons d’où elles viennent. Ce qu’elles valent. C’est cela qui est important. Qui donne du poids à une union. » P.57 L'or des femmes - Ed. GallimardParole délicieuse d’un père à son fils. En soi, rien d’exceptionnel. Cela s’est vu ailleurs. Juste rappel que dans ces sociétés africaines, le groupe, le clan prime sur les élans individuels.
« L’honneur de la femme ne tient qu’au bon vouloir de l’homme » P.80 L'or des femmes - Ed. GallimardPropos cinglants. Mais à la lecture du récit de Joseph Mwantuali*, Tu le diras à ma mère, il reflète une triste réalité : une phallocratie qui file de beaux jours en Afrique centrale. En tout cas dans cette société coloniale, les femmes existent par et pour les hommes. Il n’y a d’ailleurs pas dans le propos de Mambou Aimée Gnali une volonté de déconstruire un modèle établi. Même Mavoungou, personnage central de cette romance possède une femme refuge et défouloir en laquelle il déverse l’expression de sa frustration. Nzinga.
Mavoungou est intéressant par le fait qu’il est commun et basique dans ces choix d’homme. Il est un homme bantou dépossédé du fruit de sa passion. Cependant, il ne se sent pas investi du devoir de déconstruire un modèle social. Juste de profiter du fruit défendu dès que l’opportunité se présente.
Je suis quelque peu indécis quant à ce que je dois retenir de ce roman. Pour plusieurs raisons : La première que je ressors de cette lecture sans en savoir plus sur le tchikoumbi. La seconde se situe au niveau des nombreuses pistes ouvertes par l’auteure comme la question de la traite négrière et de l’enrichissement d’une certaine élite vili et son impact sur l’évolution des mœurs. Une troisième raison réside surtout dans l’ambiguïté du positionnement de Mambou Aimée Gnali.
Il n'empêche que ce roman vaut le détour et il nous fait découvrir un pan de la culture congolaise.
Nous aurons une table-ronde au Salon Africain du livre de Genève sur le thème Le lourd tribut des femmes avec Mambou Aimée Gnali, Joseph Mwantuali et Louis Guinamard.
Mambou Aimée Gnali, L'or des femmes
Editions Gallimard - première parution en 2016
(*) chronique à venir