« Du feu pour les honneurs » de Samba Saphir

Publié le 15 avril 2016 par Joss Doszen

« J’ai vingt-quatre ans et je suis de celles qui n’ont pas honte de dire qu’elles sont nées avec une cuillère en or dans la bouche. Je suis l’aînée d’une fratrie de quatre, mes parents sont pieux et d’obédience catholique. Nous avons tous eu tous nos sacrements. Les rapports avec ma sœur cadette sont difficiles depuis notre bas-âge ; nos caractères sont fortement opposés. Autant Améthyste peut être ouverte aux autres du premier coup, autant je préfère laisser les gens faire leurs preuves… à l’extrême. »

« Du feu pour les honneurs »
Samba Saphir

Voici une sympathique découverte.
Un de ces romans dit "de gare" qui vous offre des lectures vide-cerveaux absolument indispensables aux urbains mondialisés et stressés que nous sommes. Urbain, justement, c’est quasiment entièrement ce dont il s’agit dans ce « Du feu pour les honneurs » , de la camerounaise Samba Saphir. Une bonne chick-litt tropicalisée, quasi intertexte de Barbara Cartland et autres "séries passions". Ce n’est pas - tout à fait - péjoratif dans ma bouche moi qui, ado, fut une groupie assumé de "Beverly hills" et "Melrose place"

Dans ce livre 4 voix alternent mais de façon totalement déséquilibrée.
Mai, qui subit un mariage forcé pour avoir gouté, avant son heure, du moins selon le père, le fruit défendu, disparait de 80% du roman pour réapparaitre dans ce qui ressemble à une accroche pour un revenez-y au second tome.
Rosalia, la sœur méphistophélique, dont la voix semble anecdotique. Dépeinte en en mante religieuse "défenderesse" de la classe sociale de sa sœur et elle porte, bien faible prétexte à sa jalousie, également le discours sur la différence de religion. Elle apporte à l’intrigue une des pièces du puzzle mais peut-être eut-il été préférable de trouver un autre artifice narratif et la laisser mystérieuse, méchante et silencieuse ?

Les deux, principales, voix de Améthyste, surtout, et Mahir sont celles qui nous conduisent réellement dans ces histoires d’amours post-adolescentes.
Ils sont, quasiment tous, jeunes, beaux, très souvent intelligents mais surtout pétés de blé car fils et filles d’une élite très riches du Rwanda. C’est là l’environnement qui voit les tumultueuses histoires d’amour, de sexe, de coup dans le dos. Et le passage avec le beau Wilson... Fantasme ultime de jeune femme ayant beaucoup trop lu de Arlequin.

Très proche, mais je l’ai déjà dit, du roman "c’est demain qu’on s’fait la malle" de Alice Endame de par le style léger et un peu vert, l’auteure a cependant une bonne maitrise des parties dialoguées qui arrivent vraiment à vous plonger dans l’histoire sans lourdeur. L’écriture est jeune, manque un peu de densité mais, notamment le démarrage du livre avec l’histoire du mariage forcé de Maï, nous permettent de rentrer facilement dans le roman.
Ça reste cependant un livre très ado-compatible et manque, par rapport à un "Black attitude" de Lauren Ekué, d’un volet plus "conscience sociale ou politique". Les deux livres placent leur intrigues dans des environnements africains très privilégiés, avec des modes de vies hyper occidentalisés presque irréels, mais dans ce « Du feu pour les honneurs », les personnages, jeunes adultes, étudiants ou cadres, BCBG ultimes, semblent vivre dans un environnement vase-clos qui ne laisse pas la moindre intrusion à la politique, par exemple. Même Mahir, qui est censé représenter un étudiant issu d’une classe sociale inférieur – mais dont, paradoxalement, le père est trésorier payeur général ?? – ne soulève jamais la question des inégalités sociales. Pas la moindre trace de réflexion de quelque sorte que ce soit, de la sympathique lecture détente. Les débuts, prometteurs, sur les questions des traditions sont vite squizzés et la question de la différence de religion très faiblement exploitée. Dommage.
Et le – gros – malaise, sûrement sur-interprété par le lecteur que je suis, c’est dans cette dichotomie qu’est faite entre ces fils de bourges, catholiques, bien dans leur peau, ultra-modernes et libérés (notamment sexuellement) et les personnages musulmans dépeint en traditionalistes rigides (la famille de Maï, son mariage, etc…) et surtout qui sont dans la classe populaire. Sûrement inconscient (?) de la part de l’auteure, ça n’en est pas moins flagrant quand on lit ; la modernité est accolée à la chrétienté et les mœurs rétrogrades aux musulmans du livre. Re-dommage.

Bref, ce livre plaira, sûrement, à un public demandeur de lecture détente. On n’a pas toujours envie de se taper du Cocteau, un bon nanar en H2O rose façon Hugues Grant ça fait, aussi du bien au neurone. Surtout quand la narration est bien menée et que l’amour, le drame, la trahison sont au rendez-vous. A découvrir !


« Du Feu Pour Les Honneurs »

Samba Saphir

Éditions Cana