Un film de Marjane Strapi (2015 - USA, Allemagne) avec Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Anna Kendrick
Amusant et original.
L'histoire : Jerry est schizophrène, mais il se soigne. Enfin presque. Des médicaments, qu'il ne prend pas toujours, et une psy, qu'il n'écoute que d'une oreille. Vu son bon comportement, il est autorisé à vivre seul et il a trouvé un travail, dans lequel il se sent bien, entouré par des potes et des jolies collègues. Mais quand il rentre à la maison, et contrairement à ce qu'il dit à la psy, il entend bien des voix (comme sa mère avant lui, qui l'a persuadé que c'était normal), en l'occurrence son chat, un petit être démoniaque, et son chien, qui tente de ramener tout le monde à la raison... Or Jerry a de plus en plus tendance à écouter les bons conseils du chat.
Mon avis : C'est un film un peu hybride, entre épouvante-gore et comédie, thriller psychopathe et gros délire. Donc original. J'ai beaucoup ri au début, et la bouille de nigaud de Ryan Reynolds est épatante ; cet acteur est de plus en plus étonnant : avec son air faussement niais, et une certaine sexytude quand il sourit, il est difficile à cerner, et assez transparent dans ses films, mais je l'ai vu parfois excellent dans certains rôles. Disons qu'il s'améliore grandement. Et ici, ça fonctionne très bien. J'ai par contre été déçue par Gemma Arterton, trop... tout. Beaucoup moins nuancée. Faut dire qu'un rôle de tête coupée, c'est pas facile non plus à assumer...
Bon point pour les animaux qui parlent, les "voix" de Jerry. Beaucoup mieux fait que le chat de chez Feu vert ! J'ai trouvé très drôle, de la part de la réalisatrice, la parfaite "compréhension" de la psychologie féline : supérieur, arrogant, condescendant !
J'adore ce genre de grosse folie. Le problème, c'est que rapidement ça tourne en rond et ça devient répétitif, prévisible, voire cliché. J'avoue que sur la deuxième moitié, j'ai commencé à saturer. Vu les critiques que j'avais lues, je m'attendais franchement à mieux. Et comme je reste très rationnelle, je suis restée coincée sur une incohérence : dans la tête de Jerry, sa maison est propre et bien rangée ; mais quand on la voit à travers le regard d'une tierce personne, c'est une infection, avec du sang partout, des morceaux de cadavres, des Tupperware de chair humaine... J'en déduis que Jerry doit transporter sur ses vêtements cette odeur pestilentielle. Or, dans son entourage (collègues, psy...) personne ne semble rien remarquer.
C'est du détail ? C'est un gros délire ? Faut prendre ça comme c'est ? Non. Ce genre de truc m'énerve. Il était facile d'infuser une toute petite chose, au début, genre une des filles qui dit "Tu ne trouves pas qu'il sent un peu bizarre...", sans insister, parce que le charme de Jerry balaie tout. Et voilà, ça suffisait à relier les choses pour qu'elles soient cohérentes.
J'aime l'absurde, mais l'absurde, c'est l'élément qui choque par son côté tout à fait inattendu dans un monde "réel". Le chat qui parle, c'est absurde... mais toute la vie du chat est parfaitement normale si l'on fait abstraction de ce détail. La tête dans le frigo est absurde, mais elle s'explique par la folie de Jerry. Elle n'est pas en opposition avec le reste de son quotidien à l'extérieur.
Et puis la chanson chorégraphiée, à la fin, arrive un peu comme un cheveu sur la soupe.
Il faut préciser que, faute de moyens, la réalisatrice a bouclé son tournage en 30 jours. A ce rythme-là, il est évident qu'on ne peut pas tout faire et soigner les détails. Maintenant... moi je serais plutôt du genre à attendre pour avoir tout ce dont j'ai besoin pour mon projet, que de livrer un truc pas fini.
Je comprends bien les critiques, ils sont tous enthousiasmés : hilarant, décapant, brillant, audacieux, absurde, pop, drôle... Je suis d'accord, mais sur la longueur ça s'essouffle.
Je me sens plus proche de ceux qui aiment moins : "Marjane Satrapi (...) s'amuse ici à tricoter une fable noire, mais, partant d'une bonne idée, livre un résultat laborieux (...) Style bête et méchant ? On aime. Film long et mou ? On aime moins." (Le Nouvel Obs) ; "Ni vraiment drôle ni vraiment terrorisant, le film avance cahin-caha, sans le peps ou l'invention que réclamaient ces télescopages." (Télérama).
Le film n'a fait que 136.000 entrées en France. Pas terrible, surtout quand on lit les critiques, plus que positives. Les internautes semblent en effet - encore une fois - plus nuancés que les éloges journalistiques...
Finalement, je crois qu'il est plus intéressant de s'arrêter aux commentaires spectateurs qu'à ceux des pros. Il y a certes tous ceux qui adorent les bonnes grosses comédies de Kad Merad... là on fera l'exception, question de goût... mais tout le reste, le public me paraît finalement beaucoup plus nuancé et objectif que les journaleux.