L’ANDRH et l’armée de terre organisaient une conférence le 4 juin 2008 à l’Ecole militaire, Paris 15ème, placée sous le thème : "Décider en situation de crise et d’incertitude". Au carrefour de cette problématique, un militaire, un entraîneur sportif, un humanitaire et un chef d’entreprise sont venus témoigner de leurs expériences respectives en la matière. Quelques enseignements à en tirer pour notre quotidien
Quel lien peut-il bien y avoir entre l’armée de terre, l’équipe de France de handball, Médecins sans frontière (MSF) et l’entreprise Michelin ? Leurs hauts responsables ont tous, à un moment donné de leur carrière, eu à prendre des décisions en situation de crise et d’incertitude. Une journée de colloque qui a permis de découvrir les réflexes et les process mis en place par chacun des intervenants en situation de crise.
Identifier les fenêtres d’annonce
Premier intervenant, le général Antoine Lecerf, commandant de la force d’action terrestre, insiste sur un point essentiel : « Il importe de comprendre le fonctionnement de tous les acteurs et d’anticiper ! » Patrick Lepercq, directeur des affaires publiques pour le groupe Michelin, confirme à travers l’expérience du groupe, lors de l’annonce de la fermeture de son usine Kléber à Toul : « Il s’agit d’identifier les fenêtres d’annonce, en fonction des élections, selon que le prochain gouvernement sera de droite ou de gauche, en fonction d’autres annonces de restructuration... »
Se remettre en cause dans son mode de management
Une autre piste est avancée par Daniel Constantini, ancien entraîneur de l’équipe de France de Handball. Longtemps directif, après une contre-performance, l’entraîneur décide de passer au management participatif. Il explique : « Avec la première méthode, vous indexez la réussite du groupe sur vos capacités, contrairement à la seconde où vous développez l’implication de chacun dans les résultats. » Deux méthodes qu’il faut parfois savoir alterner pour parvenir à ses fins. Il appuie : « Au cours d’une compétition mondiale, l’un de mes cadres indispensable affichait une "incompétence passagère". Je suis revenu à l’ancienne méthode et lui à son meilleur niveau. » Moralité : « Il faut savoir abandonner le management par l’écoute et l’empathie dans les situations particulières », conclut l’entraîneur.
Mettre en péril l’institution ?
Thierry Durand, directeur général de Médecins sans frontières, apporte une nuance : « On n'appréhende pas ces crises de la même façon selon que l’on représente MSF, l’armée ou une entreprise. » Selon lui, au sein d’une organisation humanitaire, « tout le monde peut, et doit, remettre en cause les décisions, les façons de faire, les chefs ». Ainsi, la mission sociale se révèle être un objet plus important que l’institution elle-même, « quitte à mettre en péril ou en faillite l’institution pour cet objet », ajoute Thierry Durand. Ce dernier prend l’exemple des interventions répétées de l’association en Somalie. Certains chefs au sein de l’organisation refusaient d’engager MSF sur ce territoire, car ses membres étaient visés par des agressions délibérées. La majorité a, malgré tout, décidé d’y aller. « Ces situations ont pu provoquer la démission de certains d’entre nous », ajoute le directeur général.
Qui est responsable ?
Mais l’association est aujourd’hui confrontée à une nouvelle difficulté : sa taille et sa croissance impliquent un mode d’organisation qui atomise, chaque jour un peu plus, la responsabilité. « Certains ne savent pas ce qui se passe en Somalie et font une confiance aveugle à l’organisation, note Thierry Durand. Mais c’est à eux de connaître cette situation et de décider de s’y rendre, ou non, en connaissance de cause. » Ce qui fait dire à ce dernier : « Nous buttons entre l’éthique de nos convictions et nos responsabilités. » Un point de vue, vécu, partagé et approuvé par l’ensemble des intervenants cette fois-ci.
(Article adapté du site "pourseformer")