À 16 ans, j’ai dû réaliser pour mon examen de français un montage poétique. À l’époque unies comme les cinq doigts de la main, mes quatre amies et moi avions fièrement baptisé notre travail Des mots sur des maux. C’est quelque chose qui m’a toujours parlé, ce pouvoir cathartique de la plume. Et j’ai eu envie d’essayer d’en vivre, comme G.A.N qui sort ce 15 avril Texte symbole, son premier album chez Universal Music Belgium (mais le deuxième pour les « vrais »). « Ma vie ne rime à rien mais pourtant j’en fais des poèmes », déclare-t-il dans Je dors bien et cela prouve résolument qu’entre deux larmes, autre chose que la rage peut sortir de cette arme.
L’entrée en la matière, R.A.P, devrait plaire aux puristes du genre et aux fans de la première heure avec son texte introspectif et sa touche traditionnelle d’egotrip sans toutefois jamais verser dans l’excès. La recette est appliquée à plusieurs morceaux de l’opus, notamment dans Appelle-moi G.A.N et sa référence à Romano Daking et Rappeur Rasta qui ne passe pas inaperçue. D’autres sont taillés sur-mesure pour devenir de grands hymnes nocturnes et remuer la tête de samedi à vendredi, comme Jusqu’à midi et l’instrumental incendiaire de Joe Mike ou Le Genre de la maison, produit par Ozhora Miyagi, le petit Liégeois qui monte et que s’arrachent Alonzo et Booba, comme A$AP Ferg, Tory Lanez et Kid Ink. Entre deux punchlines dont lui seul a le secret, G.A.N annonce « Mon vécu est dur, j’en ai fait des chansons douces » : c’est justement ce qui fait toute sa différence selon moi et ce premier album le démontre à travers le reste de la tracklist.
Les jeux de contraste commencent dès la deuxième piste, 4 saisons, avec la participation de Camille Yembe. Je souris, souvent ; je frissonne, parfois. Envahie par cette vague de douceur et amusée par le constat paradoxal qu’un rappeur qui chante a finalement plus de chances de toucher les cœurs, alors que le rap est pourtant si proche de la conversation. Avec son refrain fredonné et son thème très actuel, Parent seul présente un sacré potentiel de single, assorti de toutes les caractéristiques d’un hit en devenir. G.A.N explore son sujet avec intelligence et dextérité, se conjuguant tour à tour dans le rôle du père, de l’enfant, puis de la mère. En featuring avec Youssoupha, J’aurais pu s’inscrit dans cette continuité en soulignant la capacité de l’artiste à émouvoir en abordant sa rupture avec la mère de ses enfants et le divorce de ses propres parents, mais aussi sa capacité à raconter des histoires. Les incollables parviendront sans doute à distinguer le vrai du faux mais en ce qui me concerne, je me fous bien de savoir ce qui relève de la réalité ou de la fiction : à chaque fois que G.A.N ouvre la bouche, j’ai juste envie d’y croire et de boire ses paroles. Impossible de ne pas rester suspendue à ses lèvres pendant Sans elle au fabuleux twist confirmant ses talents de narrateur et de Texte symbole, dont les bourgeons semblent éclore à chaque fois que l’amour s’en mêle. L’amour… et ses tourments, comme dans Killing Each Other aux accents rock et au bridge sublimé par la belle envolée de Sunday Rose, autre protégée de feu Gandhi. Ou comme dans Revient au même qui évoque les hauts et les bas de la garde partagée.
Quand ce n’est pas Cupidon qui inspire G.A.N, ce sont ses producteurs qui lui donnent des ailes. Vulnérable, le rappeur pleure une seconde chance sur une boucle mélancolique de violon dans On va pas s’mentir signé De La Fuentes, là où le piano titubant de Chiza fait écho aux paroles en dents de scie de Je dors bien. Avec sa symphonie de cordes, Vite dépeint sa vie et ses envies en partageant ses doutes. « Pas ébloui par le Pape », celui qui ne sait « même plus pourquoi [il est] chrétien » unit pourtant ses forces ensuite avec un Pegguy Tabu chantant « Gardons la foi » dans Il suffit de croire, lumineuse ode à l’équilibre qui reflète finalement assez bien le petit goût doux-amer général du projet, au cours duquel G.A.N tente constamment de voir le bon côté des choses.
Morceau de fermeture, L’amour change boucle la boucle entamée par 4 saisons, offrant le plus beau moment de poésie de l’album avec un Imani dont la voix apaise mon cœur. Le titre atteint son apogée lors d’un dernier couplet interprété en duo attestant de la belle alchimie régnant entre les deux collaborateurs, avant de se fondre dans l’Outro et ses allures de freestyle. « J’ai plus de rimes, mon frère », prétend G.A.N mais Imani sait qu’il en a encore sous le pied… et moi aussi.
PRÉ-COMMANDEZ TEXTE SYMBOLE
À écouter d’urgence : 4 saisons, On va pas s’mentir, L’amour change.
G.A.N Texte symbole, disponible dès le 15 avril 2016 (Universal Music Belgium).
Showcase gratuit à la Fnac City 2 (Bruxelles) ce samedi 16 avril 2016 à 16h.