Zoltan Hafner : - Je pense que se souvenir, c’est aussi recréer un part du monde.
Imre Kertesz : « Sans pour autant la dépasser. Or c’est ce qui arrive dans le cas de la fiction. Le monde de la fiction est un univers souverain qui naît dans le cerveau de l’auteur et obéit aux lois de l’art, de la littérature. C’est une différence importante qui se reflète dans la forme, dans la langue et dans l’action de l’œuvre. Chaque détail de la fiction est une invention de l’auteur, chaque élément…
ZH : - Tu ne veux tout de même pas dire que tu as inventé Auschwitz ?
IK : - Et pourtant, en un sens, c’est exactement cela. Dans le roman, il m’appartenait d’inventer et de créer Auschwitz. Je ne pouvais pas m’appuyer sur des faits historiques, extérieurs au roman. Tout devait naître de façon hermétique, par la magie de la langue, de la composition. Essaie de considérer le livre de ce point de vue : dès les premières phrases, tu sens que tu entres dans un monde bizarre, souverain, où tout, plus précisément, n’importe quoi peut arriver. En avançant dans l’histoire, un sentiment de perdition envahit le lecteur, il sent progressivement la terre se dérober sous ses pieds…
Imre Kertesz
Dossier K, Actes Sud
proposition d’Isabelle Baladine Howald