La violence est illusoire

Publié le 13 avril 2016 par Despasperdus

Ce billet fait suite à quelques échanges sur les réseaux sociaux et à mon "vécu" de la manif de samedi.

Samedi dernier, j'ai manifesté avec une amie. Nous n'étions pas derrière une banderole ou un syndicat, si bien qu'en marchant à notre rythme, nous nous sommes retrouvés en tête de cortège à Bastille.

Là, nous fûmes presque coincés entre deux groupes, la tension était palpable. Après qu'un fumigène ait frôlé nos têtes et celles de nos voisins avant de percuter une fenêtre, mal tiré semble-t-il sur les CRS, je me suis demandé s'il n'y avait pas d'un côté les CRS et de l'autre des apprentis CRS, à moins que nous n'étions au milieu d'un exercice d'entraînement...

Ceci dit, le déploiement de CRS m'a paru surdimensionné, mais je n'ai pas compris qu'une cinquantaine de gus manifestent avec casques, masques et barres... Pensent-il naïvement que le rapport de forces s'inversera en faveur des classes populaires et moyennes en "cassant du flic" ?

Toujours est-il qu'à Nation, des affrontements ont eu lieu. Nous avons laissé les belligérants... Et, je ne souhaite même pas savoir qui des deux a tiré ou chargé le premier. Manifester en tenue d'aspirant robocob pour en découdre avec les CRS relève non seulement de la provocation, mais surtout du sabotage du mouvement social.

Cette violence d'une cinquantaine d’illuminés légitime la violence et la répression d'Etat contre l'ensemble des manifestants. Elle donne aussi des arguments à toutes les forces réactionnaires qui soutiennent la loi El Khomri et l'ordre austéritaire. Cette violence groupusculaire est dérisoire et inutile par rapport à la force de frappe d'un Etat qui, s'il s'est désengagé dans les domaines de l'économie et du social après 30 ans de néolibéralisme, a conservé et même renforcé sa puissance dans ses domaines régaliens.

L'ordre social actuel ne tombera pas grâce à une avant-garde qui prône la violence armée. Il s'effondrera sans doute de lui-même. Une sorte d'implosion, un peu à la manière dont sont tombés tous les régimes de l'ex bloc soviétique, tel un fruit pourri parce que plus personne n'y croyait de la tête au sommet.

Je ne sais si nous sommes dans pareille situation, mais de moins en moins de citoyen-ne-s pensent vivre dans une démocratie et dans un système économique et social juste, ne croient en l'Europe sociale, à la flexibilité sociale pour créer des emplois, à la théorie du ruissellement qui profite à tous, à l'égalité des chances pour réussir professionnellement, aux sacrifices pour rembourser une dette publique alors que des milliards d'euros dorment dans des paradis fiscaux, etc. Et, plus nous serons nombreux à ne pas y croire, plus le système capitaliste monarchique de la Vème République vacillera.

Alors, que faire ?

S'informer et informer. Réfléchir et faire réfléchir. Comparer les faits à la propagande officielle des "grand" médias et des trois partis politiques dominants, révéler toutes les contradictions, en d'autres termes, faire de l'éducation populaire plutôt que de castagner.

Un film comme Merci patron ou des "révélations" comme les panamapapers en plein mouvement social contre la casse du droit du travail sont bien plus efficaces pour contribuer à l'éveil des consciences et au renversement de l'ordre social actuel que quelques dizaines d'excités qui se la racontent révolutionnaires en portant casques, lunettes noires et masques, et parfois barres. D'ailleurs, Nuit debout est peut-être la manifestation de cette prise de conscience collective et le début du commencement du changement...