Black Sands - Unité 731

Publié le 13 avril 2016 par 7bd @7BD
Titre : Black Sands – Unité 731
Dessins et couleurs : Mathieu Contis
Scénario : Tiburce Oger
Editeur : Rue de Sèvres
Année : 2016
Nombre de pages : 112
Résumé :
1943, en pleine guerre du pacifique entre le Japon et les États-Unis, un navire américain est coulé par un sous-marin japonais.
Les quelques rescapés de cette cruauté s’échouent sur une petite île aux mains de japonais.
Ce groupuscule de militaires va devoir redoubler de vigilance pour ne pas tomber dans les filets des ennemis… Mais ils vont vite s’apercevoir que le véritable adversaire n’est pas celui auquel ils croient…
 
Ainsi tour à tour, les survivants vont succomber à des attaques de… morts vivants.
Le caporal Joseph Grégovitkz va vite finir par se retrouver seul… mais il n’en sera pas pour autant au bout de ses peines…
Quelle est donc cette île ? Quel en est son secret ? Pourquoi les japonais la convoitent-ils tellement ?
Joseph Grégovitkz va-t-il revoir un jour sa bien-aimée laissée aux USA ? Pourquoi est-il toujours en vie ?
... 
Mon avis :
Tiburce Oger, l’auteur de Buffalo Runners également aux éditions Rue de Sèvres, mais aussi scénariste de l’excellent Canoë Bay avec Patrick Prugne aux éditions Daniel Maghen, a imaginé une nouvelle horrifique inspirée de faits réels tous aussi monstrueux… 

Et pour accompagner son scénario, il a décidé, avec la maison d’édition, de donner sa chance à un jeune dessinateur de talent : Mathieu Contis, mais déjà actif dans le milieu via dédales éditions.
Le livre, la couverture :
Comme à leur habitude, les éditions Rue de Sèvres nous livrent un superbe objet. L’ouvrage, d’une bonne épaisseur avec sa couverture rigide et lisse, est fort agréable au touché.
 
Le dessin de couverture ne révèle absolument rien de l’histoire mais il amène des questionnements et impose déjà une atmosphère inquiétante. Ce soldat américain, seul, perdu dans la jungle au milieu d’un ruisseau avec son fusil au bras, sa gourde, son casque et son air si expressif de peur et de fatigue…
 
Le 4eme plat, avec un résumé succinct situant et mettant en place l’intrigue, accompagné d’un simple dessin de débarquement d’un petit groupe de soldats afin de bien illustrer le résumé. Le plus inquiétant est certainement la dernière phrase associant horreur et fait réel… 

Planche 13


Le dessin, le style, les couleurs, les effets, la mise en scène :
Ce qui m’a particulièrement marqué sur cette BD est cette profusion de couleurs, certes liée à l’environnement de la jungle, mais c'est surtout la maîtrise de celles-ci pour instaurer une ambiance parfois chaude avec le un rendu de moiteur, et parfois sombre, froide et désagréable pour insuffler au lecteur cette étrange sensation que l’épouvante peut surgir à tout moment…
Le dessinateur joue donc très bien sur les ombres et lumières, les clairs obscurs…
L’usage du sépia est aussi bien choisi pour relater des faits historiques en flash-back dans le scénario.
 
Le dessin, dans un style semi-réaliste reste plutôt classique, ni trop léger ni trop épais, sans l’encombrer de détails : bref le juste nécessaire pour une bonne BD. Le travail sur les perspectives est bien effectué bien que de temps en temps les proportions pêchent un peu… mais l’ensemble reste bien fait.
 
Les effets sont nombreux (onomatopées, halos, etc…) mais ne sautent pas aux yeux et ne surchargent pas le dessin, ce qui veut donc dire que le choix de ceux-ci a été fort judicieux et qu’ils sont très bien exploités et placés.
 
Les mises en scènes sont dynamiques et vivantes, variant énormément les plans pour donner  du mouvement (plan d’ensemble, plan pied, plan américain, plan taille, gros plan, plongée, contre-plongée etc…) : très bel exercice particulièrement bien réfléchi !
 
A noter un beau travail effectué sur les uniformes, et la présence superbement accentuée de l’environnement (la mer, la jungle, etc…).
 
J’adore la manière dont sont stylisées les vagues par exemple ! 

Planche 8


Le scénario, le découpage :
L’unité 731 sert donc de base à ce scénario terrifiant.
 
Mais qu’est-ce que l’unité 731 allez-vous me dire ? Et bien cette unité 731 était une section de l’armée japonaise crée entre 1932 et 1933, et qui avait pour mission de rechercher et développer des armes bactériologiques immondes en les testant sur des cobayes… humains !!!! Adultes comme enfants étaient « utilisés » dans bien d’atroces manières. Vivisections sans anesthésie, injection de virus et maladies diverses (typhus, choléra, peste), etc.., étaient de communes tortures pratiquées par cette section d’assassins. Autant dire que le thème horreur de cette BD se justifie donc uniquement par ce fait réel, et que donc le mythe zombie exploité tombe en dérision face à ce que ces pauvres victimes innocentes ont pu vivre…
D’ailleurs, cette unité 731 est reconnue responsable de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Et le plus dur est de savoir que le dirigeant de cette unité « Shiro Ishii » n’a pas été condamné, grâce à l'asile accordé par les USA en échange des notes et des comptes rendus de ses recherches…
 
Ainsi le thème de l’horreur est bien motivé pour cette BD, mais le plus effrayant n’est donc pas la présence de ces zombies qui ne sont qu’une interprétation possible des résultats des expériences commises par les japonais. Au contraire, ces zombies sont la touche fantastique, surréaliste et parfois comique de l’ouvrage.
 
L’intrigue de Tiburce Oger, finalement centrée sur le personnage du caporal Joseph Gregovitkz, rescapé d’un naufrage suite à une attaque des japonais versus son navire, est plutôt efficace et bien amenée. Le scénario peut paraître basique en première approche, et le reflexe pourrait être de se dire « Encore une histoire de zombies !! C’est du réchauffé ! ». Mais que nenni, ce récit est engagé, et nous amène à nous poser de vrais questions : Quel est le but du commando envoyé : le sauvetage ou la récupération de données ? Quel est donc le rôle des états dans ces actions ? Quelle est la valeur de l’humain ? L’armée sert-elle véritablement une population ou simplement des intérêts politiques ? Où se trouve la limite de l’acceptable ? Etc…
 
Bref Tiburce Oger touche un point sensible pour chaque communauté se croyant plus ou moins vertueuse, et critique ainsi indirectement les classes dirigeantes, l’aveuglement des populations, l’inaction, le mutisme et le laxisme volontaire au profit de secret militaire ou politique etc... Bref là où ça fait mal !
 
Le découpage réalisé sert aussi fort bien le scénario et cette cadence infernale. Le nombre de vignettes variant de 4 à 8 par pages impose donc un bon rythme et l’alternance de vignettes petites et grandes, allongées ou massives, verticales ou horizontales, accentue cette allure infernale…

Planche 14


Ces deux auteurs nous livrent une bonne BD très mesurée qui nous apprend ainsi une partie de l’histoire longtemps volontairement étouffée.
Ils nous décrivent à merveille un enfer sous des allures de paradis…
Ciao
yann

Les auteurs (Source Rue de Sèvres): 

Photo et Copyright : Isabelle Franciosa

Né en 1967, Tiburce Oger est diplômé de la prestigieuse Ecoles des beaux-arts d’Angoulême. Après un détour de quelques années par le dessin animé pour perfectionner sa technique, il fait une entrée remarquée dans le monde de la BD avec la série Gorn. Influencé par Hitchcock, Fritz Lang et Oscar wilde, il offre à ses lecteurs des westerns prenants et authentiques. Il s’est également distingué pour ses séries fantastiques (la forêt avec Vincent Perez, Les Chevaliers d’Emeraude avec Ane Robillard) et ses scénarios pour Patrick Prugne (Cano eBay, French Man). Il vit aujourd’hui en Charente.
 

Mathieu Contis est graphiste, diplômé des Beaux-Arts. Black Sands est son premier album. Il vit aujourd’hui à Toulouse.
Et pour finir, un petit documentaire sur l'unité 731 :

(Documentaire FR ) Les mystères de l'unité 731 par DX919
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