Les îles

Publié le 13 avril 2016 par Hunterjones
En revoyant un ami, j'avais oublié que je lui avais prêté un de mes films , il y a un certain temps.
Non, pas un film que j'aurais écrit ou tourné, car ça aussi j'en ai, mais un dvd acheté d'un film que j'ai aimé. C'est une chose que je ne faisais pas beaucoup plus jeune, mais je me rends compte qu'avec le temps, j'ai, à plusieurs occasions acheté des dvds que je me suis plu à voir et à revoir. Comme j'ai un  horaire qui me laisse bien souvent des plages libres, seul, de jour, je tue souvent un deux heures en visionnant un film ou en consommant une partie de série télé.

J'ai revisionné À l'Ouest de Pluton, que j'avais beaucoup, beaucoup aimé en 2009. Que j'ai encore plus aimé en 2016.
Et j'ai compris pourquoi.
J'ai compris pourquoi le film de Bernadet & Verreault m'avait tant plu principalement parce que je venais de comprendre pourquoi un autre produit m'agressait tant.

Like-Moi est une émission d'humour signée de la main de Marc Brunet sur les ondes de Télé-Québec. Brunet, c'est aussi l'homme qui est derrière plusieurs projets de Marc Labrèche comme Le Coeur a Ses Raisons, Les Bobos, 3600 Secondes d'Extases.  L'humour de Brunet fait mouche souvent par le mode répétition et on rit souvent à l'usure. Il peut être très drôle comme il peut aussi tomber sur les nerfs un peu. C'est parfois trop. Mais bien souvent aussi, on explose de rire.
Dans Like-Moi, il y a ce générique chanté par Véronique Dicaire qui semble tout à fait sorti d'une pub de Cherry Blossom des années 70.  Il y a aussi toute une panoplie de comédiens qui me plaisent bien. De (presque)nouveaux visages frais, jeunes et très intéressants. Adib Alkalidey, Jérôme Bédard, Marie-Soleil Dion, Karine Gonthier-Hyndman, Guillaume Lambert, Phillipe-Audrey Larrue St-Jacques, Katherine Levac, Florence Longpré, Jérémy Du Temple et quelques autres occasionnels se partagent les sketchs qui vont de l'insupportable au très drôle.

Mais pourquoi certains moments sont donc si insupportables? J'ai trouvé.
L'OMNIPRÉSENCE DU TÉLÉPHONE INTELLIGENT!
Ce pernicieux téléphone interférant.
Le téléphone intelligent est effectivement très présent dans nos vies. De plus en plus. Dans ma propre maisonnée par exemple, composée de 2 adultes et de 2 ados, on a un téléphone intelligent par tête. Et c'est très très pratique. Voyez, dans le seul dernier 12 heures, l'amoureuse a pu me texter quelques articles qu'elle avait oublié de me placer sur une liste d'épicerie, mon fils m'a texté que son cours de conduite se terminerait plus tard que prévu et que je n'aurais pas besoin d'aller le chercher en fin de soirée, et ma fille m'a aussi texté que je n'aurais pas besoin d'aller la chercher en fin de journée, la mère de son amie, le ferait pour nous.
Mais ce même téléphone pollue aussi les sens. En fin de soirée, il n'est pas rare de voir chaque membre de ma fille investi complètement dans son téléphone. Tenter d'attirer l'attention quand on parle n'a jamais été plus compliqué.
Un truc messieurs, si votre tendre moitié peine à vous écouter parce trop investie sur Facebook ou Candy Crush: dites PÉNIS en plein milieu de ce que vous lui racontiez, son attention sera soudainement revenue à vous.
Elle sera interloquée, mais son attention sera vôtre.
Je n'ai jamais dit PÉNIS autant dans ma vie que depuis un an.

Je reviens à Like-Moi, dont seul le titre me pue au nez. Je ne ferai jamais de like dans ma vie sinon sous la lourde contrainte et un fusilk braqué sur ma tempe. Je ne vis pas non plus pour être liké. Adolescent, peut-être, mais j'ai trois fois l'âge de l'adolescence. Been there, done that. Et le public visé par Like-Moi est fort probablement adolescent

Mais toute la dynamique humoristique articulée autour des téléphones intelligents dans l'émission me la rend beaucoup moins sympathique que je l'anticipe chaque fois. Elle m'irrite. Je trouve que c'est comme faire de l'humour creux avec ce que l'on a de plus creux. Socialement dévalorisant en quelque sorte.
Alors qu'À l'Ouest de Pluton représentait tout le contraire. Bon, c'est injuste de comparer l'un et l'autre qui ne sont pas du tout de la même eau, ni n'ont les mêmes visées. Les participants du film ont 10 ans de moins que ceux de Like Moi. Mais dans le moyen-métrage comme dans la série humoristique télé, on trace des deux côtés un portrait de ce que l'on appellerait la génération des millénaires. La génération de mes enfants. Celle aussi des téléphones.
Dans le film de Bernardet et Verreault, on parle de poussières de lendemain de party avec des ados excessivement animés, avant de tomber dans le sommeil profond. Comme à court de batteries en fin de film. Qui auraient besoin d'un fil de recharge comme un téléphone intelligent vidé en aurait aussi besoin.
Des téléphones 100% absents du film.
100%.
Dans le film on est en randonnée sauvage, tandis que dans la série télé on est avalé par la machine.
On montre des indomptables dans le film et 10 ans plus tard, des domptés dans la télé.
Voilà ce qui m'a rapproché de l'un et qui m'éloigne de l'autre.
Étonnant, On parle pas d'un reflet des années 90 dans le film.
On parle d'un reflet d'il y a 8 ans. C'était hier.
Genre...

Et ça donne place à de l'Humain, de l'Animal, du Naturel. Avec des lettres majuscules.
Une scène de lavage de chien en fin de film offre une tendresse mêlée de mélancolie simple et assez intéressante pour un personnage écorché.

La marche du chevalier déchu en compagnie de la princesse désintéressée quand le soleil se lève dans le brouillard du lendemain de veille est aussi magique dans la splendide caméra de Patrick Faucher.
On ne s'échange aucun texto, mais plutôt une dent de spinozorus qui daterait de 100 000 ans.
Vous savez ce qui a aussi 100 000 ans?
Certaines Îles.
Comme l'adolescence.
Et ils existent des tonnes d'îles,
Heureusement qu'il y a aussi la mer.
Les îles vides ont leur charme.
Mais pas autant que les îles riches en végétation.