C’est une petite histoire de fesses en apparence. Marguerite n’aime pas ses fesses et comme elle n’a pas confiance en elle, elle ne sait pas dire non. En apparence car ce livre d’Erwan Larher dit plus que les fesses de Marguerite. Il évoque dans une écriture aisée et soutenue le souci de l’autre, de l’autre soi-même et de l’autre qui vit auprès de nous. La rencontre, toujours celle qui grandit ou détruit, celle du maintenant et celle passée. Celle qui fait que les êtres humains ne sont pas une identité unique mais multiple. On retrouve ici la préoccupation de savoir comme dans « Abandon d’un mâle en milieu hostile » qui vit près de nous ? et ici pour un biographe, qui est celui qui raconte sa vie ? et s’angoisser à l’idée qu’il n’y aura jamais de véritable réponse. Car les souvenirs sont des romans et les raconter éloigne toujours de la vérité. J’étais là semble dire le vieux Président pour qui Marguerite est embauchée pour écrire ses mémoires. J’étais là semble t’il répéter pour s’en persuader, là dans « ma vie » et je vous raconte « moi » et il raconte tout autre chose, dont son désir pour les femmes, pour le pouvoir sur elle.
L’innocence de Marguerite fait son œuvre, l’ange toujours vient fouiller dans les ténèbres, tant mieux. Elle n’a pas confiance en elle Marguerite et pourtant, par la distance qu’elle réussit à instituer elle est forte et vraie. Cette vérité, bien à elle, sa jeunesse va emmener les personnages autour d’elle vers le basculement. Elle n’aime pas ses fesses mais est bien assise dessus, qui d’ailleurs voit les siennes vraiment, en dehors d’un miroir j’entends ? Personne, la vision de nos fesses sont déformées, la vision de nous-même ne peut l’être qu’à travers l’autre. Marguerite découvre peu à peu avec effroi le monde comme il est, les journalistes, les politiques sont le miroir d’une société basée sur l’envers et non l’endroit des hommes. Il suffit de voir et je fais une digression, le manque d’empathie et de sentiments lors des attentats en France ou en Belgique, les journalistes débitant leurs infos, les experts débitant leurs analyses sans une once de chagrin, les discours pré-formés.
La face cachée, celle où les sentiments et l’empathie n’ont plus d’endroit pour respirer. Qui sont ces gens qui nous gouvernent et à toutes les échelles, menteurs, pervers, manipulateurs, cette société basée sur l’argent ? Dans ce livre nous découvrons plus que les fesses de Marguerite, nous prenons en pleine face celle de notre société pervertie, qui s’éloigne du sacré du monde, c’est-à-dire de l’humanité comme elle devrait vivre en paix avec la nature et les êtres vivants. Marguerite passe dans l’histoire, elle le caillou dans la chaussure, le rouage qui grippe la machine, juste un instant, le temps d’entrapercevoir ce que nous ne voulons pas voir, ce qui nous fait baisser les yeux, ce qui nous décourage et pourtant ce qui nous amène parfois à dire non avec ce mot, celui de résister. Résister à la Haine de l’autre bien sûr, mais comment quand l’autre ne jouit qu’en détruisant ?. C’est un livre à lire doucement, à emporter avec soi, parce que les mots y sont brodés, grammaticalement singuliers, c’est un livre qui peut être drôle, si on sait rire et prendre de la distance, un livre d’homme c’est vrai, masculin et pourtant qui saisit la sensibilité de l’être, de l’être en vie comme Marguerite tout simplement à ses fesses en apparence, contre l’apparence.