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Chronique Atalante T8 : Les Taureaux de Colchide (Didier Crisse et Grey) - Soleil

Par Bande Dessinée Info

Série toujours en cours, Atalante narre les aventures de la seule femme à avoir embarqué sur l’Argo, le navire emportant Jason et ses Argonautes à la recherche de la Toison d’Or, au royaume de Colchide, qui correspond peu ou prou à la Géorgie actuelle. Atalante est l’un des nombreux personnages de la mythologie créée au cours des siècles obscurs de la Grèce antique, aux alentours du huitième siècle avant Jésus-Christ. L’épopée des Argonautes pouvant être rapprochée de la Guerre de Troie ou de l’Odyssée d’Ulysse. D’ailleurs, c’est dans « L’odyssée » d’Homère que le voyage des Argonautes est mentionné pour la première fois, via le personnage de Circé, chez qui Ulysse séjourne durant une année complète. Circé qui était bien placée pour connaître l’histoire des Argonautes puisqu’elle était la sœur d’Eétès, le roi de Colchide, et la tante de Médée, qui aidera les héros à récupérer la Toison d’Or avant d’épouser Jason et de devenir reine d’Iolchos au retour de ce dernier dans son pays.

On considère généralement que les Argonautes étaient au nombre de cinquante. Outre Jason et Atalante, on retrouve les plus célèbres ou les plus importants d’entre eux dans la série de Crisse. Acaste, fils de Pélias, le roi ayant usurpé la couronne d’Iolchos au détriment de Jason à la mort du père de ce dernier, Esion. C’est Pélias qui envoie Jason à la recherche de la Toison d’Or en lui promettant de lui rendre le trône s’il rentre avec la dépouille du bélier divin. Et qui lui adjoint Acaste avec mission pour celui-ci de faire capoter l’entreprise. Pélias, comme tout souverain, a fortiori usurpateur, n’étant guère enclin à abandonner son trône et les avantages qui vont avec. Acaste est donc le traître de l’histoire, mais qui n’agit comme tel que dans ce huitième tome. Jusque-là, il s’était fait assez discret. Argos, l’ingénieur qui a construit le navire auquel il a donné son nom. Les Boréades, Calaïs et Zétès, les fils de Borée, le vent du nord, que Crisse fait mourir dans le tome 5 en combattant les Harpyes. Les Dioscures, Castor et Pollux, frères jumeaux à l’origine de la constellation et du signe zodiacal des Gémeaux. Héraclès, le héros grec par excellence, que Crisse dépeint comme l’archétype de la brute sans cervelle.

En gros, moi vois moi tape. Peut-être un poil réducteur pour un demi-dieu, mais il est vrai que Zeus, son père, est souvent montré, dans la mythologie, comme un être guidé par ses hormones plutôt que par ses neurones. Alors... Dans l’épopée des Argonautes, Héraclès n’a qu’un rôle secondaire, certains auteurs le faisant abandonner le voyage en cours de route pour partir à la recherche de son protégé, Hylas, enlevé par des nymphes, tandis qu’un autre le décrit comme le meurtrier des Boréades. Crisse, lui, en fait un personnage central de la série, il est d’ailleurs toujours présent lorsque les héros arrivent en Colchide. C’est un peu l’avantage avec les mythologies, on peut toujours les triturer à sa guise. Les auteurs antiques ne s’en sont eux-mêmes jamais privés. Méléagre, qui, après l’aventure en Colchide, participera à la chasse au sanglier de Calydon avec Atalante, Jason ou les Dioscures.

Bien qu’Atalante ait juré de rester vierge et célibataire, certains auteurs grecs la font néanmoins épouser Méléagre après ces aventures. Orphée, le seul Argonaute qui ne soit pas un héros à proprement parler, mais poète et musicien. Avec son ironie mordante, il a souvent le don d’agacer ses compagnons de voyage, notamment Héraclès. C’est dans ce huitième tome que Crisse justifie sa présence sur l’Argos puisqu’il aide Médée à endormir le dragon qui garde la Toison d’Or. Euphémos, le pilote de l’Argos, qualifié d’office pour ce poste en tant que fils de Poséidon. Tous sont donc des héros patentés et dûment reconnus comme tels à la fois par leurs contemporains et par les générations futures. La preuve, on en parle encore aujourd’hui. Beaucoup sont même plus que des héros, carrément des demi-dieux. Ca ne rigolait pas à l’époque, c’était quand même autre chose que nos footballeurs et pop-stars actuels. En revanche, il est certains Argonautes célèbres que Crisse ne mentionne pas, comme Laërte, le père d’Ulysse, ou Pélée, le père d’Achille, et son frère Télamon. Probablement pour ne pas embrouiller le lecteur en faisant se télescoper deux des épopées les plus célèbres de la Grèce antique, la quête de la Toison d’Or et la Guerre de Troie. Les récits mythologiques sont déjà bien assez confus.

Après quelques péripéties en cours de route, dont une petite excursion en enfer pour se mettre en jambe dans le tome 6, une bricole, et une rencontre avec un Grand Ancien qui ressemble étrangement à Cthulhu dans le tome 7, des aventures dont Atalante, qui n’a décidément rien d’une faible femme, vient à bout presque sans l’aide de personne (c’est bien la peine d’avoir une cinquantaine de grands gaillards bâtis comme Panzers autour de soi), les Argonautes sont arrivés en Colchide à la fin du septième opus. L’occasion de se reposer un peu, de banqueter plus que de raison, d’écouter les exploits passés d’Héraclès, le dernier à tomber, tenant évidemment l’alcool mieux que tout le monde. Quand on trucide de la bestiole surnaturelle à longueur de travaux, c’est pas un vulgaire picrate qui va abattre le bonhomme. L’occasion aussi pour Médée, quand même un peu magicienne sur les bords, comme sa tante Circé, d’user de ses charmes auprès de Jason. On n’est jamais trop prudente, un éventuel poste de reine, c’est toujours bon à prendre. D’autant que, sans vouloir spoiler à tout prix, c’est ce qu’elle deviendra une fois Jason rentré à Ilchios.

Mais pour l’heure, on n’en pas encore là. C’est que Eétès, ci-devant roi de Colchide, ne tient pas spécialement à se débarrasser de la Toison d’Or, la vénérable relique apportant paix, bonheur et prospérité à son royaume. On peut le comprendre. Mais comme Jason n’est pas non plus venu les mains dans les poches et qu’une cinquantaine de héros et de demi-dieux dans les parages ça a de quoi refroidir les ardeurs, Eétès n’a pas non plus franchement envie de les énerver et qu’ils décident, dans un moment de désœuvrement, de raser sa capitale. Héraclès à lui tout seul en est capable, il l’a déjà fait, la ville de Pylos s’en souvient encore. Eétès propose donc un marché à Jason. Les Argonautes devront débarrasser le royaume de 2 taureaux qui y sèment la terreur. Ces taureaux sont d’essence quasi divine, ils sont évidemment monstrueux, crachent du feu et boulottent les pauvres paysans qui tombent sous leurs sabots d’airain. En outre, les Argonautes devront les dresser et leur faire labourer tout le pays. Après une nuit de réflexion, se doutant que les Argonautes sont largement de taille à remplir cette mission, il en remet une couche et leur demande en outre, pendant qu’ils labourent, de semer les dents du dragon qui garde la Toison d’Or. Se gardant bien de leur préciser ce que ces dents vont faire germer.

Comme on s’en doute, les taureaux sont capturés, domptés et mis sous le joug. Tandis que le dragon, endormi par Médée et Orphée, fournit une centaine de quenottes à nos fiers laboureurs. Que les amis des animaux se rassurent, les dents du dragon repoussent aussitôt après avoir été arrachées. Ça a quand même de bons côtés d’être une créature magique. C’est donc ce combat contre les taureaux qui fournit l’intrigue de ce tome 8, qui se conclue sur l’apparition de ce que les dents du dragon engendrent sitôt semées, annonçant ainsi le tome 9. Je n’en dirai pas plus.

Notons que, pour la première fois depuis la création de la série, les déesses Artémis, Hécate et Aphrodite, qui veillent sur le destin d’Atalante depuis sa naissance, n’apparaissent pas dans cette histoire, pas plus d’ailleurs qu’Héra qui, elle, aurait plutôt tendance à mettre des bâtons dans les cnémides de la jeune héroïne. On reste (à peu près) entre humains, ou assimilés. Comme les précédents opus, ce tome 8 propose un habile crossover entre aventure épique, humour et rebondissements plus ou moins prévisibles, contribuant ainsi à construire une fresque digne de la mythologie l’ayant inspirée. Depuis le tome 6, Crisse n’est plus le seul dessinateur de la série. S’il en écrit le scénario et s’il en crobarde le story-board, il en confie désormais le dessin final à Grey, tandis que les couleurs sont dues à Fred Besson. Conséquence probable du vide temporel qui s’était ouvert entre les tomes 3 et 4, 6 ans d’attente, autant dire une éternité pour les aficionados de la série et de l’auteur. Le fait de déléguer le dessin permettant aujourd’hui à la série de connaître un rythme de croisière annuel plus apte à fidéliser le lecteur, ce qui est essentiel pour une série « à suivre ». En effet, si les albums peuvent être lus séparément, la compréhension globale de l’épopée est nettement plus aisée en la compulsant comme un tout.

Personnellement, à chaque nouveau tome, j’ai tendance à toujours relire la série depuis le début. Car, même si Crisse a simplifié l’intrigue, Atalante et l’expédition des Argonautes restent basés sur un vrai récit mythologique, une mythologie que les anciens grecs se faisaient une joie de compliquer à souhait, de nombreux auteurs l’ayant reprise à leur compte, y ajoutant leurs propres épisodes, leurs propres dissertations, leurs propres interprétations. Comme les mythologies romaine, nordique ou, plus près de nous, le cycle du Graal, la mythologie grecque est un vrai fourre-tout dont il est parfois bien difficile de suivre le fil. Crisse ne faisant finalement que suivre les traces du Pseudo-Apollodore, d’Apollonios de Rhodes, de Diodore de Sicile, de Pindare ou de Valerius Flaccus qui, tous, ont apporté leur pierre à la légende des Argonautes. Une légende qui se perd dans la nuit des temps.

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