Connue surtout sous son titre de duchesse d'Angoulême, la jeune fille sort à 17 ans de la Conciergerie ... vivante ... mais seule. A l'écouter en parler j'ai eu le sentiment qu'elle avait vraiment prêté sa plume à cette femme dont elle aurait été le nègre par procuration. Mon impression rejoint l'analyse qu'en fait son mari estimant qu'il y a là un cas de possession littéraire. Et il en connait un morceau sur l'Histoire puisqu'il est spécialiste de la Restauration, qui est une période d'ailleurs mal connue.
Sylvie Yvert
avait écrit un premier recueil publié en 2008 aux éditions du Rocher, Ceci n'est pas de la littérature. Les forcenés de la critique passent à l'acte. L'ouvrage avait été qualifié de panthéon jubilatoire des sacrilèges en littérature.Mousseline la Sérieuse est un roman historique, et elle inaugure un genre nouveau puisqu'elle ne mêle jamais le faux (disons "l'invention" pour en pas être désagréable avec d'autres écrivains) au vrai. Même Françoise Chandernagor ne relate pas que des faits réels dans l'Allée du roi.
Elle a voulu que les lecteurs qui, comme elle (il faut le souligner), ne lisent pas de livres historiques en apprennent plus sur la Révolution, l'Empire, la Restauration, les débuts de la République tout en lisant un roman. Son livre est donc intentionnellement un roman vrai, "d'après une histoire vraie".
Sylvie Yvert se glisse dans les pas de Madame Royale et donne voix à cette femme au destin hors du commun qui traversa les événements avec fierté et détermination. Sous sa plume délicate et poignante, la frontière entre victoire collective et drame intime se trouble pour révéler l’envers du décor de cette histoire de France que nous pensions connaître.
A l'instar de Facebook où l'on souhaite manifester son approbation sans cliquer sur j'aime parce que la teneur de l'information est assez détestable, j'ai du mal à dire que j'ai "aimé" cette histoire. La vie de Mousseline est si terrible, son tempérament est si droit, son coeur est si bon, qu'on aurait souhaité que le destin l'épargne.
Ce qui m'aura été malgré tout le plus pénible sera de constater que cette période dont on tire gloire aujourd'hui, qui nous a donné les couleurs de notre drapeau, les trois mots de notre devise (que l'on répète à longueur de temps depuis plusieurs mois) et notre hymne national, avait pour fondation une barbarie dont on devrait avoir honte. Quand on considère cela en songeant à notre manière de juger les attentats que Paris a subi récemment on se dit qu'il y a un peu plus de deux siècles le mot humanité n'était pas à l'ordre du jour.
On apprend une foule de détails sur le mode de vie, l'éducation, la hiérarchie des valeurs ... et que Mousseline fut une fervente lectrice de Victor Hugo. Elle a subi trois exils sur quarante ans. Son père, et sa mère ont été décapités alors qu'elle était enfant. Il faut lire ce livre pour comprendre comment elle a pu survivre sans sombrer dans la folie.
Au moins aura-t-elle vécu assez longtemps pour partager la vie d'un homme qui l'aura aimé avec une certaine modernité pendant quarante-cinq années. Je ne sais pas si Sylvie Yvert a l'intention de poursuivre dans ce type de recherche. Ce travail a du être colossal. Elle a en tout cas de grandes qualités d'écriture et il ne faut pas qu'elle ne reste là.
Pour aller plus loin et se plonger dans l'atmosphère de l'époque, avant qu'elle ne fut tragique, vous pouvez aller visiter le musée Cognacq-Jay, dans le quartier parisien du Marais, qui présente une sélection d'oeuvres du XVIII° siècle collectionnées par les fondateurs de la Samaritaine, Ernest Cognacq (1839-1928) et son épouse, Marie-Louise Jay (1838-1925).
On y voit par exemple le Portrait de Louis Antoine de Bourbon, duc d'Angoulême, 1776-1777 par Michel-Honoré Bounieu (1740-1814).
Un lit dit "à la polonaise" comme celui dans lequel a dormi Marie-Antoinette.
Une tasse comme il était alors d'usage. Et bien d'autres choses encore ...
Mousseline la Sérieuse de Sylvie Yvert, chez ÉHO, en librairie depuis le 11 février 2016