Europe et transparence financière : Eva Joly avec le MoDem
En matière de transparence financière, deux messages forts, opposés, sont envoyés aux Français. L’un est négatif, c’est la prise, la main dans le
sac, de la France par la Commission européenne (le gouvernement n’a toujours pas appliqué la directive Blanchiment). L’autre est un message d’espoir : Mme Eva Joly a
annoncé qu’elle pourrait représenter le MoDem aux élections européennes de 2009. Or, on sait que Mme Eva Joly a fait de la lutte contre les affaires financières douteuses son
principal cheval de bataille.
Eva Joly était présente aux tables rondes de la "convention sur l’Europe" organisée le 8 juin 2008 par le MoDem. Sa prestation fut acclamée par une "standing ovation". A l’issue
de cette rencontre, elle a déclaré à la presse son intention de porter "peut-être" les couleurs du MoDem aux élections européennes de 2009.
Pourquoi avoir choisi le MoDem ? Mme Eva Joly s’explique devant les journalistes : "François Bayrou est plus orienté vers l’action. En plus c’est un vrai Européen, et
pour moi l’avenir est vraiment dans l’Europe". Eva Joly évoque une situation politique française très bloquée entre le "populisme d’un côté et, de l’autre côté, des discussions
idéologiques".
Pour Eva Joly, seule l’Europe peut contribuer à "corriger les défauts français". Elle a jugé "choquant" le "non-traitement des affaires" en France, citant le
classement du dossier sur les résidences en France de la famille d’Omar Bongo "sans même ouvrir une enquête". Pressée de répondre à la question de sa possible candidature sous
l’étiquette du MoDem, Mme Eva Joly a répondu "Peut-être".
Cette annonce est un signe positif dans le contexte actuel. Le 5 juin, en effet, la Commission européenne a décidé de poursuivre les procédures d’infraction contre 15 États membres dont
la France pour non-transposition en droit interne de la troisième directive Blanchiment. Cette directive aurait dû être transposée avant le 15 décembre 2007. En France, l’avant-projet de
loi de transposition traîne en lenteurs d’arbitrage entre Bercy et la garde des Sceaux. Bruxelles va inviter officiellement les États défaillants à transposer rapidement cette 3e
directive Blanchiment. En l’absence de réponse satisfaisante dans un délai de deux mois, la Commission pourra saisir la Cour de justice des communautés européennes.
Eva Joly s’est rendue célèbre pour avoir instruit des dossiers comme l’affaire Elf et avoir fait incarcérer le 5 juillet 1996 le patron Loïk Le Floch-Prigent à la surprise générale. Elle
a ouvert aussi les dossiers de l’affaire des frégates de Taiwan et de l’affaire Dumas-Deviers-Joncour. Sa détermination à traquer les opérations financières douteuses est sans faille, ce
qui lui vaut parfois des menaces. Eva Joly explique que son départ en Norvège fut motivé par la nécessité de se mettre à l’abri : "J’ai quitté la France. Je suis partie parce que
je ne voulais laisser à personne les moyens et le temps de se venger" (extrait de son livre La Force qui nous manque). Aujourd’hui, et ce depuis 2002, elle est conseillère
du gouvernement norvégien dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière internationale.
Elle dénonce la soumission de la magistrature française au pouvoir politique. Elle critique le projet de Nicolas Sarkozy de dépénaliser le droit des affaires et montre du doigt la complaisance de la France avec les malversations financières.
Une candidature d’Eva Joly sous les couleurs du MoDem serait donc le signe d’une volonté de moraliser les affaires au niveau européen. Outre la transparence
et l’honnêteté financières, un projet européen se grandirait en respectant les points rappelés par François Bayrou et le Mouvement démocrate lors de cette rencontre sur la "convention sur
l’Europe".
François Bayrou a appuyé, lors de cette "convention sur l’Europe" sur le besoin d’une reconstruction profonde de l’idée européenne. L’Europe n’est pas sans défauts, mais n’est pas non
plus "le diable que l’on croit". Pour Bayrou, "l’Europe ne doit pas être faite pour les europhiles, mais pour tout le monde, pour les citoyens européens, y compris pour les
citoyens français, y compris pour ceux des citoyens français ayant les plus grandes interrogations, car il n’y a pas d’autre réponse possible à leurs angoisses. Encore faut-il que nous
trouvions le chemin."
Marielle de Sarnez a conclu ces tables rondes de la Convention sur l’Europe en appelant au respect effectif d’un certain nombre de principes de
base :
... le respect des règles budgétaires ;
... l’élaboration d’un modèle de développement européen (une croissance plus qualitative, plus durable) ;
... l’autosuffisance alimentaire et énergétique des pays en voie de développement. "Pendant des décennies, l’Europe a subventionné les produits agricoles à l’exportation, ce qui fait
que les produits alimentaires qui arrivaient en Afrique étaient moins cher, car subventionnés, que l’alimentation locale qui aurait pu se développer. C’est tout simplement criminel. Quand
les Américains continuent de subventionner le coton, c’est criminel, tout simplement. Nous devons travailler à un modèle de continents qui soient autosuffisants, pour l’alimentation, mais
également pour l’énergie."
Une Europe capable de s’élever au rang de modèle, se grandirait et, certainement, serait capable de rééquilibrer le monde.