Sorties de Secours de Joyce Farmer, chronique d'une histoire sans issues ?

Publié le 11 avril 2016 par 7bd @7BD
Titre : Sorties de secours Auteur : Joyce Farmer (scénario et dessin) Editeur : Delcourt Collection : Outsider Année : 2016 Page : 208 Résumé : Le quotidien de Lars et Rachel, deux personnes âgées vivant dans une maison du sud de Los Angeles. Un quotidien difficile, où l'âge transforme parfois les tâches les plus simples en épreuves olympiques. Lars et Rachel vont avoir un tournant de leur vie difficile à appréhender, car il s'agit tout simplement... du dernier. Heureusement, Laura, la fille du premier mariage de Lars, est là. Présente aussi souvent qu'elle peut, elle les aide pour tout. Et malgré les difficultés générées par le fait que Lars et Rachel sont de moins en moins autonomes, Laura s'accroche à l'espoir que les choses s'améliorent pour ses parents bénéficient d'une fin de vie paisible. Mon avis : Une histoire impitoyable. A travers leur vie au jour le jour, Lars et Rachel affrontent la vieillesse, avec tout ce qu'elle comporte de négatif. Si le corps commence à lâcher, la volonté et la niaque se sont émoussées avec le temps, et les forces mentales nécessaires pour mener ce combat ne sont plus suffisantes. Ce couple affronte ensemble non pas la vie, mais la fin de vie. La vie, ils l'ont partagée pendant des décennies, avec ses bonheurs et ses malheurs, ses joies et ses peines, ses révélations et ses non-dits. Ils s'aiment, et cet amour va leur permettre de tenter l'impossible : rester ensemble, dans cette maison qui les a vus vieillir, jusqu'au bout. Joyce Farmer a projeté dans la fiction les souvenirs de ce qu'elle a vécu avec ses parents. Du coup, tous ces tracas du quotidien deviennent extrêmement palpables, authentiques, avec leur vérité crue. On sent l'obstination de Lars, la tristesse de Rachel. On sent aussi le poids de cette maison où ils conservent tout, ce lieu lourd de souvenirs entassés au gré des pièces, ces souvenirs auxquels ils ne peuvent pas renoncer, comme si abandonner ces moments de vie était déjà signer avec la mort. La simplicité de cette histoire en fait toute sa force. Et aussi toute son émotion. Car, il faut l'avouer, c'est la gorge serrée qu'on avance dans cette histoire.
Le dernier voyage de Lars et Rachel serait même, à mon avis, intenable, s'il n'y avait pas ces moments de pause, quand l'un ou l'autre partage avec un membre de sa famille, Laura, ou son fils Pete, les souvenirs de leur enfance, de leur jeunesse, de leur grand-parents... Tout à coup, une bouffée d'air frais, une rasade d'humour. Bien sûr, tendresse et amour sont omniprésents entre Lars et Rachel, quelque pointes d'humour, sourires en coin, autres blagues saupoudrent le tout et on sent les années de complicité entre eux mais il est dur de suivre ce vieux couple sans avoir la larme à l’œil. Tut simplement parce qu'ile st difficile de s'imaginer à la place de Lars ou de Rachel ou même de Laura... d'ailleurs Laura, qui se bat contre tout, qui doit tout surveiller, tente de faciliter la vie de ses parents au mieux qu'elle peut. Mais malheureusement, on ne peut penser à tout. L'histoire, avec ces semaines qui passent, ces mois, s'étale sur quatre ans. Mais quatre ans qui font peser sur nos épaules l'inéluctable. On sait comment tout cela va finir. Et on souhaiterait que cela se passe le moins mal possible pour ces deux petits vieux, à quelques pas du dernier départ. Joyce Farmer s'est fendue d'une magnifique histoire. Je dis fendu, car cela a dû être douloureux pour elle, enfin, quand je vois la douleur que peut procurer cette lecture, j'imagine celle de l'auteure. Si en plus, ces "faits sont inspirés d'événements réels", comme on peut lire parfois sur nos écrans, le choc en est d'autant plus violent. Joyce assure aussi le dessin. Style réaliste mais simple, personnages expressifs, même si parfois l'expression du visage ne rend pas vraiment bien, à me syeux, l'émotion à exprimer. Ce qui peut avoir tendance à vous sortir de la lecture. Mais, à certains moments, ce n'est pas plus mal de souffler un peu. Car quatre ans ramassés sur une BD, c'est dense ! Et quand vous l'autez lue une fois, revenez au début et comparez l'évolution physique des personnages. Si on constate l'impact du temps sur Rachel, il est beaucoup plus discret sur Lars, et pourtant bien présent. Joyce Farmer réussit à nous faire vivre ce qu'on ne vit que sur les années. A force de passer du temps avec les gens qu'on aime, on ne les voit plus vieillir, car au jour le jour, les transofrmations sont imperceptibles. Par contre, prenez une ancienne photo de plusieurs années, comparez-là avec le présent et les traces du temps vous sauteront au visage. C'est exactement le cas avec Lars ! Les décors sont bien présents. Et la maison de Lars et Rachel, dernier refuge mais aussi hangar à souvenirs, les protège autant qu'elle les étouffe. Elle les rapproche autant qu'elle les coupe du monde. Cette maison est un personnage à part entière, au même titre que le chat Ching ! Les couleurs se résument à un noir et blanc sobre. La composition consiste en des planches de quatre bandes de une (très rarement) à deux cases. Ce choix impose aussi un rythme régulier, à l'image du temps qui passe. Ce quotidien ressort donc, avec cette composition similaire, comme un battant d'horloge. Le cadrage est très souvent serré sur les personnages, beaucoup de plans taille, de plans d'épaule, de gros plans, comme pour nous rapprocher le plus possible d'eux. Tous ces choix renforcent l'émotion qui naît à la lecture. Sorties de secours est une BD difficile à lire, car elle prend aux tripes. Je ne sais quoi vous dire de plus. Je ne sais pas moi-même si j'aurais préféré évité de la lire, pour ne pas être confronté à la déchéance de Lars et Rachel, ou si j'en retire quelque chose. C'est encore rop frais dans ma tête. En tout cas, bien que cette histoire ne comporte aucune goutte de sang, à part celles causées par les griffures de Ching, je recommanderais aux âmes sensibles de bien réfléchir avant d'ouvrir ce recueil. Car, comme je le disais au départ, on n'en ressort pas indemne.  Zéda aussi aurait bien aimé donner un coup de main à Lars et Rachel... David  Inscrivez vous à notre newsletter :