A l’aube, tout semble possible même si la nuit a été rude.
Alessandro Baricco prolonge l’idée d’un livre imaginaire, et presque
introuvable, évoqué dans Mr Gwyn, son
roman précédent : « Un beau
texte, court. Dans mon souvenir, la première partie ressemble beaucoup à ce
portrait, peut-être pas au mot près, je crois qu’elle est plus longue. Mais
certaines phrases, je peux te l’assurer, sont identiques. Et la scène est la
même, deux personnages dans un hôtel, il n’y a pas de doute. ». Il a
donc écrit Trois fois dès l’aube.
L’écrivain italien reprend les données qu’il avait fournies
lui-même, jusqu’à la dédicace qui était citée : « A Catherine de Médicis et au génie de Camden Town. »
Trois fois, deux personnes sont dans une chambre d’hôtel, on les suit jusqu’à
l’aube. Et il est probable que, malgré les particularités de chaque histoire,
les mêmes personnages, à différents moments de leur vie non reliés
explicitement, en soient le centre unique. C’est le projet défini par
Alessandro Baricco.
Un, deux, trois : il n’y a pas d’autre titre aux parties,
les chiffres scandent les épisodes.
Dans le premier, une femme s’incruste en fin de nuit en compagnie
d’un homme qui n’a pas réussi à dormir et attend l’heure de partir, assis dans
un fauteuil du hall de l’hôtel. Elle finit par le convaincre de l’accueillir
dans sa chambre où elle le retient jusqu’à l’aube, et une conclusion
inattendue.
Le deuxième volet présente un couple assez mal assorti, pense le
concierge de l’hôtel. La jeune femme est délicieuse, son compagnon, vulgaire et
violent. Sous prétexte de raconter à Mary Jo un épisode de sa vie, le concierge
la décide à quitter les lieux. C’est l’aube, l’histoire n’est pas tout à fait
terminée…
Enfin, le Malcolm du début est un adolescent de treize ans dans
la dernière partie. Une policière est chargée de veiller sur lui pendant une
nuit qu’il passe dans un hôtel minable après que ses parents ont brûlé en même
temps que leur maison. Mais la femme ne se résout pas à lui imposer ce décor
tristounet, et l’emmène pour le confier à un ami.
On pourrait lire les trois textes comme s’ils étaient des nouvelles sans
autres rapports les unes avec les autres que le retour dans des chambres
d’hôtel et une fin qui n’en est pas tout à fait une, à l’aube – chacun est
libre de poursuivre le récit, selon sa fantaisie. Mais, puisque l’auteur a
signalé d’autres rapprochements, on cherche les échos qui circulent entre les
pages, on les trouve et on suit les fils de biographies imaginaires, dans un
ouvrage bien réel sorti tout armé d’une fiction. Le jeu est complexe et
excitant.