Ça commence en douceur sur la musique de Home de Henry Hall & His Gleneagles Hotel Band (1980). Un éclair résonne. Un orage s'abat sur une maison inhabitée depuis longtemps à en juger par les draps qui protègent les meubles.
Notre cerveau commence à interpréter les signes qui lui sont présentés. Une jeune fille en ciré rouge, comme la cape du Petit Chaperon, arrive pour se mettre à l'abri et se trouve face à face avec un fantôme le couteau à la main.
Elle tourne une boite à musique (douce, la musique), accroche un cadre. Les photos s'agitent derrière son dos. Deux autres encapuchonnés de rouge la rejoignent. On pourrait croire que les trois amis reviennent à l’orée d’une épaisse forêt chargée de secrets, dans une maison qu'ils ont connu enfants, et qui est depuis longtemps inoccupée. L'un d'eux s'amuse à les filmer. Ce qui ressemble à un jeu d'adolescents pourrait virer vinaigre quand un gars se saisit d'une hache.
Apparitions, disparitions, télékinésie, cascades et effets spéciaux dignes du cinéma vont s'enchainer à très grande vitesse. On verra une main coupée se mettre à bouger toute seule. On assistera à une noyade dans une baignoire, pile au moment où on commence à trouver étrange que cet élément n'ait toujours pas servi.
A propos de cette création Jakop Ahlbom précise que dans sa jeunesse, il dévorait tous les films d’horreur qu'il trouvait : J’en aimais l’absurde, le fantastique, les effets spéciaux, la sensation inquiétante que tout pouvait arriver, et la montée d'adrénaline que cela déclenchait. J'étais aussi attiré par l'humour noir de ces films, le mélange du slapstick et du surréaliste, captivant et terrifiant tout à la fois.
Il s'est inspiré des films de Méliès, Hitchcock, Kubrick, Carpenter ou Polanski et s'est spécialisé dans le genre mais ceux qui le connaissent affirment qu'il s'est surpassé pour Horror. La construction de la narration est rigoureusement théâtrale. La maîtrise des artifices scéniques et des ressorts dramaturgiques offre une multitude de niveaux de compréhension d’une histoire à la vérité complexe qui résonne encore longtemps après la représentation.
Ses comédiens parviennent quasiment à se dédoubler. Ils ne sont "que" 8 et tous formidables. Certains semblent modelés dans du caoutchouc, et leur agilité est un atout pour se glisser dans des interstices du décor. La bande son est essentielle. Il ne faut pas s'effrayer de la quantité d'hémoglobine qui est utilisée sur le plateau. Le metteur en scène a du avoir un prix de gros.
Et c'est vrai !
Ses spectacles sont programmés sur de nombreuses scènes internationales et régulièrement récompensés. Après la Villette dont la dernière représentation a eu lieu cette après-midi, Horror est programmé le 14 avril à Amsterdam. La saison 2016-2017 est en construction et il est très probable que les parisiens puissent le revoir.
D'ici là et pour vous entrainer à jouir de cet état si particulier je vous conseille d'aller faire un tour au Manoir de Paris. C'est tout aussi bluffant.
Horror du 30 mars au 3 avril, Paris, La Villette Festival 100%
Un spectacle écrit et dirigé par Jakop Ahlbom
Avec Judith Hazeleger ou Andrea Beugger, Silke Hundertmark, Sofieke de Kater, Gwen Langenberg, Yannick Greweldinger, Reinier Schimmel, Luc Van Esch, Thomas Van Ouwerrkerk.
Dramaturgie : Judith Wendel
Effets spéciaux et maquillage: Rob Hillenbrink
A partir de 15 ans