En gros titre en haut : "Fariña s'est mis à table" (il a chanté)
En bas, les files d'attente pour se faire délivrer le certificat qui permet
aux plus pauvres de bénéficier du tarif réduit dans les transports publics à Buenos Aires.
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Cela devait bien arriver un jour : dans une affaire de corruption, qui touche un homme d'affaires proche de Cristina Kirchner, Lázaro Báez, un des inculpés secondaires vient de se mettre à table devant le juge d'instruction dans la meilleure tradition du bon vieux film policier !
L'homme, un intermédiaire financier qui se chargeait des valises de billets et des maquillages comptables, Leonardo Fariña, réclame le statut de repenti, un statut nouveau que le gouvernement actuel a mis en place dans le cadre de sa politique anti-corruption. Cette loi prévoit une peine allégée pour celui qui donne des informations et même une condamnation n'excédant pas quinze jours de prison ferme si les informations sont véritablement solides et constituent des preuves irréfutables de l'existence d'une fraude en bande organisée. Fariña est un homme jeune, au point qu'il a existé des rumeurs qui en faisait un fils adultérin de Néstor Kirchner... Hier, il a été interrogé pendant onze heures par le juge d'instruction auquel il a livré des informations qui mettraient gravement en cause Cristina Fernández de Kirchner (ainsi que son défunt mari) et plusieurs ténors de l'ancienne majorité, à grand renfort de données informatiques et autres mots de passe d'ordinateur, sans qu'on n'en sache beaucoup plus, puisque le magistrat a rapidement décrété le secret de l'instruction pour protéger la suite de son enquête.
Le gros titre est plus précis
"Fariña a donné des informations clés et ça se complique pour les kirchneristes"
En haut, à droite, un article sur la nouvelle exhotation pastorale du Pape François
qui aurait fait les gros titres sans les scandales judiciaires
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Fariña a regagné sa cellule sous le statut d'inculpé (ce qui lui donne le droit de mentir pour sa défense, d'où les doutes qui entourent actuellement ce qui a filtré de son audition) et sous un régime d'étroite surveillance à la prison de Ezeiza, dans le Gran Buenos Aires, afin de préserver son intégrité physique.
Le titre est accusateur :
"Premier repenti : Fariña met en cause Cristina et donne des pistes clés sur l'argent K"
En haut, manchette sur l'exhortation pastorale du Pape
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Quant à Cristina elle-même, elle doit être entendue mercredi prochain dans le cadre de l'enquête sur la vente à terme de dollars US qui aurait fait perdre beaucoup d'argent à l'Etat et dont on se demande si ces sommes n'auraient pas pu ne pas être perdues pour tout le monde. Dans son entourage, on laisse entendre qu'on craint que soit prononcée contre elle une mesure de détention provisoire immédiate. Aussi le parti qu'elle a dirigé resserre-t-il les rangs autour d'elle, du moins ceux des militants qui lui sont restés fidèles (nombreux sont ceux qui se sont déjà écartés, soit par couardise, soit par honnêteté politique et volonté de dresser un inventaire au sens jospinien du terme pour remettre le mouvement rejeté dans l'opposition en ordre de marche pour les prochaines échéances électorales). Malgré ces rumeurs, Cristina aurait fait savoir qu'elle tenait à se présenter elle-même devant le juge sans user de subterfuges ni de manœuvres dilatoires (ancienne avocate, elle dispose d'un vaste éventail de solutions de ce genre dans le code de procédure).
Página/12 préfère titrer sur l'audition des représentants du gouvernement
devant la Cour Inter-Américaine des Droits de l'Homme (CIDH)
qui craint un recul de la liberté de la presse en Argentine
Il semblerait donc que les deux côtés du spectre politique argentin soient actuellement empêtrés dans des affaires peu reluisantes puisque avant-hier, une instruction pénale a été ouverte pour fraude fiscale contre le président en exercice, à la suite aux révélations internationales de l'enquête journalistique Panama Papers. Le Président Macri a déclaré personnellement et en public qu'il se présenterait devant la justice si celle-ci voulait l'entendre. Il a d'ores et déjà ouvert un contre-feu, en estant devant la justice civile pour faire valoir la légalité de sa gestion financière et il a fait produire hier par son avocat une pièce comptable qui doit, selon son raisonnement, prouver qu'il n'a commis aucune irrégularité en ne mentionnant pas au fisc argentin sa participation dans deux sociétés implantées pour l'une aux Bahamas et pour l'autre à Panamá. On en était là ce matin et chaque jour apportera sa nouveauté au moins jusqu'à mercredi soir !
Toute la presse parle de l'affaire, sur un ton et à une place dans l'édition du jour qui diffèrent selon que le titre est dans l'opposition ou dans la majorité. Les quotidiens passent donc au fil des pages d'une instruction à l'autre, en donnant l'impression qu'ils ne sauront bientôt plus où donner de la tête.
Pour aller plus loin : lire l'article de Página/12 (très loin dans les pages intérieures tandis que les premières sont occupées par l'audition des représentants du gouvernement argentin à la Cour Inter-américaine des Droits de l'Homme qui s'inquiète pour la liberté d'expression et de la presse en Argentine, où une loi contre le monopole médiatique vient d'être abolie) lire l'article principal de Clarín (ils sont nombreux autour des aveux de Fariña) lire l'article principal de La Nación lire l'article principal de La Prensa. De leur côté, Página/12 et l'agence de presse Télam se font l'écho des soutiens dont bénéficie Cristina au fur et à mesure que s'approche le jour de son audition au tribunal.