Quelques études ont déjà suggéré qu’une tumeur se développe plus rapidement dans des conditions d’hypoxie. Cependant, pourquoi et comment les cellules souches cancéreuses se développent lorsque l’oxygène est rare est un processus encore mal compris. Ces travaux de l’Université Johns Hopkins, publiés dans les Actes de l’Académie des Sciences, nous expliquent comment les cellules souches cancéreuses se développent dans ces conditions d’hypoxie et pourquoi, c’est en général le signe d’un très mauvais pronostic. Intervenir dans ce processus moléculaire peut aussi permettre de freiner la propagation du cancer.
Les scientifiques ont travaillé à la fois in vitro, sur des lignées de cellules humaines de cancer du sein et in vivo, sur des souris modèles de la maladie. Ils montrent que certaines cellules souches cancéreuses se développent à de très faibles niveaux d’oxygène et que la prolifération de ces cellules, dans ces conditions, forme des tumeurs résistantes à la chimiothérapie, qui se propagent, sont considérées comme un obstacle majeur à la rémission. Ce n’est pas la première étude à documenter le fait que le niveau d’oxygène dans la tumeur, est un bon indicateur non seulement du développement des tumeurs et donc de la réponse au traitement. Mais l’étude identifie la cascade chaîne d’événements biochimiques dans les cellules souches embryonnaires et les cellules souches du cancer du sein et, ce faisant, suggère de nouvelles cibles de traitement.
Ces travaux confirment en premier lieu que les environnements pauvres en oxygène sont de véritables pépinières de naissance et de croissance de cellules souches cancéreuses. Ainsi, dans les sites des tumeurs où les cellules cancéreuses sont en manque d’oxygène, les cellules souches cancéreuses se multiplient en empruntant le mécanisme utilisé par les cellules souches embryonnaires. Si les cellules souches sont des cellules immatures connues pour leur capacité à se multiplier indéfiniment et à donner lieu à des cellules progénitrices qui se spécialisent ensuite en types cellulaires spécifiques, les cellules souches trouvées dans les tumeurs vont utiliser exactement les mêmes mécanismes pour optimiser la survie et la croissance de la tumeur. Et la chimiothérapie ne parvient pas à éliminer une petite population de cellules souches cancéreuses qui vont » suffire » à entraîner une rechute du cancer et la formation de nouvelles métastases. Ces travaux confirment que les cellules souches du cancer suivent une chaîne d’événements semblable à celle des cellules souches embryonnaires, à la fois sur des lignées cellulaires humaines de cancer du sein et sur des modèles de souris.
Priver les cellules cancéreuses de leurs attributs » de cellules souches » : Une nouvelle cible possible serait donc de contraindre ces cellules souches cancéreuses à abandonner leur statut et leurs attributs de cellules souches, ce qui les rendrait donc vulnérables à la chimiothérapie. Mais comment ? Précisément, en intervenant dans le processus moléculaire et cellulaire lié à l’hypoxie : l’air que nous respirons est constitué à 21% d’oxygène, ces niveaux d’oxygène sont en de 9% dans le tissu mammaire humain sain, et d’1,4% dans les tumeurs du sein. De faibles niveaux en oxygène vont entraîner une hausse des niveaux de protéines appelées HIF (hypoxia-inducible factors), qui activent des centaines de gènes, dont le gène NANOG qui donne les instructions nécessaires aux cellules souches. Or il est possible d’abaisser les niveaux de protéine NANOG, par méthylation, c’est-à-dire en ajoutant un marqueur chimique (groupe méthyle) à l’ARN messager de la protéine.
En bref, ce processus de méthylation conduit à inhiber la production de protéine NANOG, ce qui contraint les cellules souches embryonnaires à abandonner leur état de cellules souches et limite ainsi leur réplication.
Source: PNAS March 2016 doi: 10.1073/pnas.1602883113 Hypoxia induces the breast cancer stem cell phenotype by HIF-dependent and ALKBH5-mediated m6A-demethylation of NANOG mRNA
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