Tagore est surtout connu en France pour ses poèmes et son magnifique Offrande lyrique. Et pourtant ce sont des nouvelles que nous présentent ici l'excellente maison d'édition Zulma, 22 nouvelles qui sont l'occasion de mettre en valeur le talent du prix Nobel de littérature pour capter des instants de vie qui en disent long sur les conditions sociales des Indiens en ce début de siècle. C es nouvelles se déroulent en Inde, à Calcutta , la ville natale de Tagore, et mettent souvent en scène des femmes, victimes du système et de l'oppression masculine.
Qu'il s'agisse du mariage des petites filles (L'histoire du ghât, l'enfant muette), de l'éducation atrophiée des jeunes filles (Le cahier d'écolier), des difficultés dues à la dot () ou encore des mariages malheureux, la conclusion des nouvelles est souvent désespérée, mettant en valeur une injustice flagrante. L'innocence des enfants se perd, aliénés par la société et ses codes, la domination devenant exaltante pour certains. A l'origine de tant de noirceur, l'argent qui vérole bien souvent les rapports humains (L'arbre du chagrin, ) mais aussi les errances du coeur humain (Insensé), facilement aveuglé, la raison peinant bien souvent à pénétrer l'esprit, et l'être humain se complaisant dans les " pièges de l'illusion".
Une série de portraits de " petites vies, petits chagrins" sans consessions dans cette Inde de la fin du XIXème siècle.
Ce que j'ai moins aimé : un peu répétitif, les nouvelles sont courtes et s'enchaînent, laissant peu de temps au lecteur pour s'imprégner de l'atmosphère et des personnages.
Kabuliwallah, Rabindranath Tagore, Nouvelles traduites du bengali (Inde) et présentées par Bee Formentelli, Zulma, février 2016, 400 p., 22 euros
Merci à l'éditeur.