« Il devrait peut-être en parler. Mais à qui ? Qui le croirait, les gens ne se sentiraient pas de suite mal à l'aise avec lui ? Ils ne l'éviteraient pas ? Il savait déjà qu'un de ses collègues était un voleur, un autre gay, qu'une troisième avait des désirs sexuels, et tout ça en quelques minutes. Qu'est-ce que ça serait en une heure ? comment travailler avec un équipier, rester huit heures en voiture à côté de quelqu'un, à entendre la moindre niaiserie flottant à l'état brut dans son cerveau ? Il n'y avait pas que des secrets, il y avait la banalité. »
Imaginez deux hommes en fuite aux Etats-Unis, un taulard et un flic, pourchassés par quelques agents très spéciaux du FBI qui les ont malencontreusement laisser filer dans la nature. L'un avait été sorti de sa cellule dans le couloir de la mort pour assister à une réunion confidentielle à l'ONU, et l'autre engagé pour remettre la main sur le premier.
« Quelle vie, se dit-il. Ça lui rappelait les appels pour violences domestiques auxquels il avait si souvent répondu à Kearns. Les logements étaient toujours répugnants. Des saletés par terre, des lits défaits, des jouets d'enfants qui trainaient partout. Comment être aimable en vivant dans un tel endroit ? »
Danny et Snowe possèdent un don qui intéresse au plus haut point une cellule très spéciale du FBI, quasi informelle tant elle est confidentielle. La faculté de connaître immédiatement les pensées de celles et ceux qui sont placés près d'eux. Ce pouvoir extraordinaire est en certaines circonstances un atout, mais le plus souvent un fardeau. Ce don surnaturel les obsède : pourquoi eux, comment, qui ? Leur fuite est une quête de réponse...
« Mon travail consiste à voyager dans le pays pour parler aux gens comme vous qui se sont manifestés. Nous avons un bureau à Washington. Avec un évaluateur. Il observe certains schémas de votre comportement, et quand tous nos indicateurs sont d'un niveau élevé nous concluons que vous vous êtes connecté. »
Comme d'habitude[1], Iain Levison semble narrer une histoire banale avec des personnages très communs, sauf qu'en y regardant de plus près, ses romans soulignent les aspects les moins reluisants de la société américaine, et par extension des sociétés occidentales. En l'occurrence, Ils savent tout de vous met en exergue l'obsession sécuritaire des Etats-Unis et la volonté de surveiller et de contrôler les citoyen-ne-s jusqu'à leur moindre pensée, quitte à les modifier (je n'en dirai pas plus) à leur insu...
« Vous allez progresser. Vous deviendrez capable de repérer quelqu'un à l'autre bout de la pièce et de lire dans ses pensées. Vous pourrez en faire autant avec les animaux. Vous allez commencer à éviter les gens. A structurer votre vie de manière à avoir le moins de contacts humains possible. »
Ils savent tout de vous est un court roman passionnant et haletant qui tient à la fois du roman noir et du thriller, de la satire sociale et de l'anticipation. A lire.
Note
[1] cf. Les tribulations d'un précaire, un petit boulot, Arrêtez-moi là !