« Pour l'amour de Claire » – Edwidge Danticat

Publié le 06 avril 2016 par Joss Doszen

« La vie valait si peu à présent qu’il suffisait de quelques dollars pour en effacer une. Étaient-ils entrés, se demandait-il, dans ce que Rimbaud avait appelé "le temps des assassins" ? Peut-être sa génération en était-elle responsable. Ils avaient créé une société qui n’apportait rien à ses enfants. »

Voilà une auteure dont le nom trustent mes rencontrent littéraires depuis un bon moment déjà et que j’avais hâte de découvrir. Edwige Danticat, est une écrivaine américaine d’origine haïtienne, et j’anticipais, avec l’eau à la bouche, une délicieuse lecture tant la littérature haïtienne m’a toujours apporté mon lot d’émotion. cette petite ile semble être née la plume à la main. Cependant...
Déçu.
Enfin, pas totalement déçu mais, quand même, je m’attendais à plus. Plus de mystique, plus de tension peut-être.

Pourtant je l’ai lu d’une traite, sans pouvoir m’arrêter, tellement l’auteur à réussi à m’attraper dans cet enchevêtrement de vie. Entre la veuve Gaëlle, le père Nozias, l’ado perdu Max Junior, la victime Flore... Toutes ces personnes se côtoient, se frôlent, se croisent sans se rendre compte que leurs destins sont intimement mêlés. Au centre du maelström ; Claire Limyé Lanmé, 7ans et qui porte le poids d’un "revenan".

« Le pire de l’amour non partagé, lui avait dit Jessamine, c’était d’être rejeté par un de ses géniteurs. N’était-ce pas aussi douloureux quand on l’était par son propre enfant ? »

Nous entrons dans le roman par cette petite fille qui comprend que son père, pêcheur et veuf depuis sa naissance, va la donner à une autre femme, Gaëlle, pour lui donner une chance d’avoir une vie décente. Cette Gaëlle a une vie aussi dense que tragique et sa trajectoire frôle celle de Maxime Senior, et Junior, et lui, celle de Bernard, et Laurent mécène de la radio Zorey, et Pauline, mais celle de Louise, de l’émission "Dis mwen", puis Caleb le pécheur…
Toutes les vies sont superbement dépeintes, les drames sont dévoilés au fur et à mesure et c’est prenant. Mais le trop plein de personnages est déroutant. Surtout au début, la 1ère moitié du livre, où on a l’impression que des histoires émergent sans réels liens entre elles. Ce n’est évidemment pas le cas, mais, n’empêche, l’impression que l’on a affaire à un peintre qui souhaitait avant tout croquer la vie de "Villa Rose" puis s’est forcée à créer des points de connexion demeure.

« La vie valait si peu à présent qu’il suffisait de quelques dollars pour en effacer une. Étaient-ils entrés, se demandait-il, dans ce que Rimbaud avait appelé "le temps des assassins" ? Peut-être sa génération en était-elle responsable. Ils avaient créé une société qui n’apportait rien à ses enfants. »

Mais surtout la fin ... Le seul moment où l’auteure se met dans les bottes de l’enfant Claire ; c’est décousu, verbeux (dans le sens d’excessif remplissage), et ça dure des pages et des pages dans un langage (on est dans les pensées de l’enfant) qui se veut enfantin mais... C’en est lourd ; on saute des lignes et des pages.
N’empêche, ce livre raconte de jolies histoires avec une écriture vraiment magnifique, mais bon, ça c’est Haïti, la qualité littéraire et la poésie est presque une seconde nature chez ces artistes-là !


« Pour l’amour de Claire »

Edwidge Danticat

Éditions Grasset