(note de lecture) Claude Minière, "Le divertissement (notes à l’arrivée)", par Brigitte Donat

Par Florence Trocmé

Complétant en miroir Notes sur le départ (2008) et composant ainsi un diptyque, Notes à l’arrivée est une épure autobiographique qui signe la suprématie de l’écriture poétique pour transcrire en lettres de feu, le plein et le délié d’une existence. Passant par la touche, toujours concise, d’évènements marquants ou de visions (celle de la figure maternelle), Claude Minière tente de clarifier ses trajectoires afin de les vivifier davantage. L’écriture, à la fois philtre et flèche, sait alors combiner densité et célérité nécessaires de la phrase pour atteindre les lignes de force, le point de convergence qui ouvre le champ magnétique de l’existence. Comme dans une géométrie impure aux tracés sans cordeau, il s’agit de percevoir la courbe invisible qui agit en parallèle à la droite ligne d’une vie. Les divertissements, ces segments de vie qui ne développent rien, tombent alors d’eux-mêmes, pour renouer avec un mot, un son, une vision, « tout un monde », encore plié, qui vivait replié dans un coin perdu du corps. Loin des modernes, qui au terme de leur existence, chargent leur barque d’intrigues, pour se reconstituer une honnêteté de façade, le poète s’écarte des cheminements convenus pour soutenir la pointe qui fore l’épaisseur de l’existence afin de mettre à jour l’instinct secret qui reste de la grandeur de notre première nature. Du lointain au proche, tout comme l’enfant absorbé dans un temps pur à inscrire sur le papier son signe, le poète parfait sa phrase dans un contre divertissement, pour décrire un arc, une large courbe qui revient à lui.
Notes à l’arrivée
, à l’aune des Pensées de Blaise Pascal, scrutant les lignes de fuite qui poussent l’homme à se divertir, démêlent les scories de l’axe d’une vie pour à l’arrivée, reprendre source au chemin intime, celui d’un « âge d’or » qui en toute fidélité éclaire la pensée, les sensations, l’enchantement du poète. On apprend la vie de la vie, entendant la liaison du pur silence et du grondement tumultueux.
Brigitte Donat
Claude Minière, Le divertissement (notes à l’arrivée), 72 p. 11€, Tarabuste