Récit du 9 et 10 mars
Peryar
Trois heures de voiture pour passer des hauts plateaux de Munnar a la jungle de Peryar, la plus grande réserve naturelle d’Inde. Trois heures de balade en montagne, a travers les champs de théiers, sur des petites routes surplombant de larges vallées embrumées.
Faillit mourir une bonne dizaine de fois en croisant des camions, mais après quelques mois en Inde, ce genre de péripétie devient assez commun…
Descente vers Peryar, nous revivons a l’envers notre cours de botanique et plongeons allègrement dans la foret profonde et bruissante des cris d’oiseaux et de millions de grillons.
Le lendemain de notre arrivée a Peryar, nous voila partis a sept heures du matin pour un trek… qui n’aura pas lieu pour une raison obscure.
A la place, nous voila embarques dans un bateau qui mettra deux heures a faire le tour d’un lac artificiel.
La promesse d’observer une faune sauvage exceptionnelle s’est réduite a croiser cinq loutres et trois cochons sauvages… le tout sous une température fraîche et le ventre vide, ce qui, pour ceux qui me connaissent, est probablement la faute la plus grave…
Deux dosas et un chai plus tard, et de meilleure humeur, nous voila partis pour un tour a dos d’éléphant, a défaut d’en avoir vu dans la réserve.
Plutôt impressionnant surtout lorsque l’énorme animal fait un demi tour dans un chemin escarpé.
A noter qu’un massage ayurvedique a Munnar a effacé le souvenir désagréable de Kochi.
Je vous donne l’adresse des que je remet la main sur la carte.
Après midi en voiture, et la foret fait vite place a une étendue a moitie désertique, caractéristique du Tamil Nadu, sur une route bordée de grandes huttes sous lesquelles sèchent des centaines de briques ocre.
Deux heures plus tard, et c’est l’arrivée a Madurai.
Madurai
Un coup de poing dans le ventre. Une claque.
Je n’étais pas encore venu en Inde.
Maintenant je peux dire que j’ai commencé a voir.
Dixit Wikipedia, “la légende raconte que le jour où la ville devait recevoir son nom, tandis que le dieu Shiva bénissait sa terre et ses habitants, le nectar divin (madhu) se mit à pleuvoir depuis sa chevelure, ce qui fit que la ville reçut le nom de Madhurapuri. En fait, Madurai est plus probablement la déformation du mot tamoul marudhai (மருதை) qui signifie «région agricole fertile avec le sol alluvial». ”
Et, de fait, Madurai est une ville extrêmement religieuse, et pas seulement par cet extraordinaire ensemble de temples au centre de la ville, ou l’on ne rentre que pieds nus et dont une grande partie est interdite aux non hindous.
Il y règne une poussière qui s’insinue partout et que l’activité débordante et presque maladive des rues rend plus agressive encore.
Il y a les estropiés, les mendiants, les enfants qui veulent vous toucher.
Il y a les petites ruelles dont les odeurs sont comme des épingles qui transpercent les narines.
Il y a les klaxons qui ne s’arrêtent pas, et les litanies a Shiva qui font comme un tapis au roulement sonore des voitures.
Il y a les prédicateurs qui hurlent devant une foule parsemée, et les policiers qui régulent la circulation en éructant dans un micro qui sature et grésille.
Il y a les plats pimentés qui vous brûlent l’estomac.
Il y a cette impression que cette ville n’a pas eu de commencement puisque rien ne s’arrête, qu’il n’y aura pas de fin et que la roue qui tourne va inévitablement vous écraser si vous restez la.
Il y a tout ça, et votre corps, votre cœur, votre âme et vos sens qui ne vous appartiennent plus, que la ville absorbe et vous recrache a la figure en acide corrosif.
Et puis vous vous retrouvez dans l’avion a hélices qui vous ramène rapporte a la maison, sans savoir si vous avez aimé la ville mais avec, imprimée dans sa chair, la marque brûlante des voyages qui comptent dans une vie.