MONDE > "Panama Papers" : du rififi chez les puissants

Publié le 04 avril 2016 par Fab @fabrice_gil

Loin de Tony le Stéphanois ou Jo le Suédois ? Pas sûr. La plus grande fuite de données dans l'affaire " Panama Papers" affole les riches et de nombreux pays. Pour certains, elle illustre l'inégalité des contribuables face à l'impôt. [Revue de presse].

"Quel est le point commun entre Lionel Messi, Vladimir Poutine, le premier ministre islandais David Gunnlaugsson et 732 Belges ?" interroge le quotidien Le Soir. C'est sans nul doute le recours à des sociétés offshore pour y dissimuler leur argent. La plus grande fuite de données jamais exploitées par les médias a mis un "bordel" inimaginable dans cette industrie qu'est la vente de sociétés écrans. Révélée par le consortium de journalistes ICIJ, elle a permis de cartographier "presque en temps réel, un pan entier de la finance mondiale, jusqu'alors à l'abri des regards", affirme nos confrères du quotidien Le Monde. Parmi les clients du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, on retrouve cinq chefs d'Etat en fonction, 38 hommes politiques et hauts fonctionnaires ou des proches de dignitaires.

The Guardian s'est intéressé à l'un d'eux : Sergei Roldugin, proche du président russe Vladimir Poutine, également parrain de sa fille. Le quotidien britannique décrit comment le musicien professionnel est parvenu à accumuler une fortune estimée à plusieurs centaines de millions de dollars et -avec l'aide d'avocats suisses- l'a placée dans des sociétés offshores de Mossack Fonseca avant de le rapatrier en Russie. La fortune personnelle de Vladimir Poutine reste l'objet de nombres spéculations mais " des câbles diplomatiques américains suggèrent que Poutine est en mesure d'en garder le contrôle via des proxies (composants logiciels informatiques)", souligne le journal "travailliste".

Un spécialiste d'éthique de la FIFA impliqué

On s'était habitué à voir la FIFA empêtrée dans de sombres affaires. Les " Panama Papers" contiennent aussi un chapitre qui lui est dédié. Et plus précisément à sa commission d'éthique. Juan Pedro Damiani, chargé de "faire le ménage" dans le récent scandale qui a fait vaciller la plus haute instance du football mondial, "n'est pas seulement un gardien de l'éthique de la FIFA, il est aussi un riche avocat uruguayen, spécialisé dans le montage de sociétés écrans", dénoncent La Tribune. Il a lui-même entretenu pendant plusieurs années des relations d'affaires avec trois personnes inculpées pour corruption dans le FIFAgate. C'est ce que révèlent les mouvements financiers via une société offshore de Mossack Fonseca notamment sur un compte en Suisse.

Des meneurs de jeu qui feintent le fisc

Michel Platini, déjà sanctionné par une affaire "de gestion déloyale et de conflit d'intérêts", figure aussi parmi les clients de Mossack Fonseca. Il aurait créé Balney, société inscrite au registre panaméen avec des ramifications banquières en Suisse, onze mois après son élection à la tête de l'organisme européen du football. " A quoi sert Balney, créée à l'initiative de cette banque, et chapeautée par cinq directeurs, manifestement des prête-noms ? Pourquoi Michel Platini, 60 ans, a-t'il procuration pour cette mystérieuse société ?" s'interroge Le Monde. Un autre célèbre numéro 10 est également mentionné dans l'affaire : celui du FC Barcelone."Leo Messi est en passe de réussir à ce que sa carrière de fraudeur fiscal atteigne le niveau de ses extraordinaires exploits sportifs", relate le journal économique digital espagnolEl Confidencial.Avec la chaîne TV La Sexta, ils expliquent comment l'astre argentin bouffeur de chips s'est tourné vers de nouveaux montages financiers, quelques heures seulement après avoir été inculpé par le fisc espagnol pour l'évasion de 4,1 millions d'euros.

Pour le journal Le Monde, toute cette affaire prouve que l'application des législations anti-blanchiment d'argent doit être renforcée : "Malgré les révélations successives et la volonté affichée des Etats à réguler les paradis fiscaux, il demeure toujours aisé pour les banques et leurs clients de se jouer des réglementations nationales". A titre d'illustration, le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, à l'origine des "Panama Papers", a élaboré un tutoriel de création de sociétés écrans, une opération "presque aussi simple qu'un achat en ligne". Sous la plume de Juliette Garside (The Guardian), on rappelle qu'il n'y a, en soi, rien d'illégal à créer une société offshore tout en rassurant sur la non-publication des millions de données concernant les riches anonymes. Pour l'éditorialiste, la question de la répartition du fardeau de l'impôt reste toutefois entière :"Les avantages financiers octroyés par ces structures ne sont pas accessibles au contribuable ordinaire. [...] Sans surprise, l'opinion publique s'interroge sur la moralité d'un système qui propose de tels avantages aux plus fortunés".

La femme du commissaire européen au climat, ainsi que ses fils, seraient actionnaires d'une société panaméenne que le commissaire Miguel Arias Cañete n'a pas mentionnée dans sa déclaration de conflit d'intérêts. Le candidat espagnol avait déjà été mis sur le grill par le Parlement européen lors de sa candidature à la Commission, en raison des actions qu'il détenait dans des sociétés pétrolières. À l'époque, une pétition signée par 580.000 personnes avait demandé au Parlement européen de ne pas nommer l'homme. Cette fois, c'est une société du nom de Rinconada Investments Group, dont la femme de Miguel Cañete, Micaela Domecq Solís-Beaumont est bénéficiaire, qui interroge.