La nuit occupe le corps
Ou c’est le corps la nuit
Peut-être
La même étendue remuée
Différemment
La même empreinte
En positif et négatif
Intervertir un ordre
Primitif ignoré
*
Arbitrer ceci : que la tache
Est sur l’œil gauche qui ne voit
Rien de ce qu’il regarde.
Hors du centre interdit (toute vitre
Est de l’eau translucide)
Les choses d’alentour visibles
Apparaissent interrompues ou bien rongées
Par un insecte rond qui s’installa ;
Que cela bouge et se déforme
À partir de la tache.
Maculé c'est-à-dire
Sur l’œil gauche de l’encre
Invisible si
J’ouvre l’œil droit
Par conséquent rompue mais
Là pour annoncer
Ce qui écorche, obscurcirait,
Encombre dans les yeux.
Éclat inverse d’un soleil
Intérieur et pour supplicier
Le désir de le voir Ainsi la tache
Non projetée mais fissure
D’un tissu qu’abîmait le sang
Ainsi la tache étalée doucement
Figea pour imprimer l’obscur
Le centre du regard.
(…)
C’est l’œil
Au milieu de lui-même qui
S’est lié fleur centrale à sa nuit.
Adultéré quelques cellules
Qu’un acide intérieur rongea
Au milieu et qui laissent
Le soin d’y voir à la périphérie
Jean Tortel, extraits de « Le corps s’enferme » et de « L’œil taché » in Des corps attaqués, Flammarion, 1979, PP 15, 45 à 47 et 54.
Jean Tortel dans Poezibao
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