Quand on a 17 ans, on est trop sérieux, contrairement à ce qu’a dit le poète. Le dernier film d’André Téchiné explore les désirs tus et les sentiments refoulés de deux jeunes lycéens. Toujours intimiste, presque personnel, son cinéma dépeint des drames sourds qui s’épanouissent à l’ombre d’une morale d’un autre temps qui garde son emprise sur les corps et les esprits.
Damien (Kacey Mottet Klein), fils d’un militaire (Alexis Loret), vit la plupart du temps, seul avec sa mère, Marianne (Sandrine Kiberlain que l’on a vu dans Comme un avion et 9 mois ferme), qui est médecin. Au lycée, l’année de ses dix-sept ans, Tom (Corentin Fila), un de ses camarades s’en prend voilement à lui sans raison apparente. D’abord animé par une haine réciproque, leur relation va muer.
Tom (Corentin Fila) et Damien (Kacey Mottet Klein)
Quand on a 17 ans s’articule autour d’une idylle homosexuelle frustrée entre deux adolescents qui devient vite un prétexte davantage qu’un véritable fil conducteur. Le film vise plus loin, tout en restant très proche de ses personnages et sublimant la nature environnante comme parti intégrante de leur âme. Damien et Tom se cherchent entre eux comme il se cherche eux-mêmes. Travaillé par un sentiment diffus qu’il ne comprenne pas, où plutôt n’accepte pas, ils s’opposent pour mieux se retrouver. C’est là toute la modernité de Quand on a 17 ans dont le script a été coécrit avec Céline Sciamma, réalisatrice de Naissance des pieuvres et de Tomboy, consultante sur le très beau Bébé Tigre. Il ne s’agit pas tant de décortiquer ici les spécificités de l’attirance homosexuelle ni la difficulté de l’acceptation sociale. D’ailleurs, autour d’eux, tous semblent disposer à l’accepter certainement sereinement. Non, il s’agit d’une romance universelle, dont l’homosexualité des protagonistes est accessoire. Dans la même démarche, on se rappelle de La vie d’Adèle (Chapitre 1 et 2). On se moque bien que Tom et Damien soit deux garçons, ils sont surtout deux jeunes dont les premiers émois amoureux sont trop sérieux pour les prendre à la légère.
Damien (Kacey Mottet Klein), Marianne (Sandrine Kiberlain) et Nathan (Alexis Loret)
Pour les deux tourtereaux, on ne badine pas avec l’amour. Pire c’est un combat de tous les jours. Ce combat prend une consistance toute réelle entre eux à travers les échauffourées dont ils se rendent coupable. Dans une société où les apparences restent primordiales, il s’agit surtout de réaffirmer leur virilité. Il s’agit aussi, néanmoins, de rechercher le contact physique, fut-il de manière violente et incontrôlée. Les deux acteurs débutants sont réellement touchants de sincérité et singulièrement émouvant. Leur jeu tout en retenue marque profondément les tourments qui les habitent et la beauté immanente d’un amour naissant. Quand on a 17 ans est également traversé par d’autres thèmes liés subtilement à la même problématique. De l’adoption, de la maternité inespérée, de l’arrivée inopinée et fatale de la mort découlent autant d’événements de la vie humaine qui touchent au cœur comme au corps sans que l’on puisse distinguer clairement lequel de ces deux aspects est le plus prégnant. Téchiné, cinéaste de l’intime, même lorsqu’il s’attaque à des faits divers comme dans L’homme qu’on aimait trop, capte ces instants avec une sobriété tout mélancolique.
Tom (Corentin Fila) et Marianne (Sandrine Kiberlain)
L’amour chevaleresque, source d’insouciance et de bien-être immédiat, est presque devenue une utopie dans une société encore engoncée dans ses préjugées et où les problèmes du quotidien sont toujours une épreuve. Quand on a 17 ans, on ne soucie pas forcément du bien-être matériel et les lendemains semblent chanter, mais la naissance d’un sentiment amoureux véritable est souvent vécu comme un sentiment contradictoire. Le dernier film de Téchiné résonne comme un instantané pris sur le vif de cette période bancale, foisonnement de sentiments et d’émotions intenses.
Boeringer Rémy
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