Michel nous a fait une douloureuse pirouette, un pied-de-nez ironique en nous quittant un 1er avril. C’était un homme gai et facétieux, nous lui pardonnerons donc cet ultime clin d’oeil embué par la peine.
Avant de rappeler son importante contribution à l’historiographie du libéralisme français, je me souviendrais d’un de nos combats politiques communs, parmi d’autres. Nous étions au Parc des expositions de la porte de Versailles, dans un hall où Unibail et Hidalgo mentaient effrontément à une assemblée de deux ou trois cents Parisiens au sujet du projet Triangle, dans un luxe d’images aguicheuses et de tromperies photoshoppées. Les communicants veillaient au grain et les micros circulaient avec prudence. Alternativement, alors que les pauvres gens n’osaient protester contre cet exercice de manipulation, nous avions pris la parole et perturbé la réunion comme il se devait. L’immense majorité des participants en eut la langue déliée et ce fut alors un cortège de vitupérations méritées, presque une émeute, contre ce détournement du bien public par des capitalistes de connivence et leurs préposés.
Comme il fut délicieux le demi de bière que nous bûmes pour célébrer cet hilarant moment militant ! Merci Michel.
Revenons à l’oeuvre de Michel. Rien n’est plus inconfortable que de lutter contre le confort de la pensée. Ce fut avec un courage sans faille que Michel s’y est toute sa vie employé. Dans un milieu où les économistes libéraux sont le plus souvent des mathématiciens de formation et où les littéraires sont intoxiqués de vulgate marxiste, Michel tenta, en historien et philosophe, de réhabiliter le libéralisme français. Il montra, notamment par l’étude de l’oeuvre de Bastiat, que notre école n’avait rien à envier à l’anglo-saxonne, qu’elle lui était contemporaine et que c’est une fertilisation croisée qui les caractérisait, notamment dans la première moitié du 19ème siècle. Je suis sûr que les ouvrages qu’il publia sur ce sujet trouveront avec le temps toute leur place dans la philosophie économique et celle des sciences.
Naturellement, ce travail le condamna à une forme de marginalité académique. Il n’eut pas la reconnaissance qu’il méritait et les chaires qui auraient dû récompenser la qualité de son travail et de son enseignement. L’intolérance intellectuelle de la gauche universitaire est féroce quand elle défend son pré-carré. Cette hargne la remplit de ressentiment. Ce à quoi nous assistons ces dernières années, cette nécrose de la pensée dite progressiste et qui n’est que verbeuse, est la sanction de ce comportement aux antipodes de ce que la science requiert.
Qu’à cela ne tienne : Michel tira parti de son expérience pour nourrir une pensée et des propositions audacieuses sur la réforme de l’Université et la fin des monopoles et rentes qui l’étiolent et ont fait glisser, année après année, l’enseignement supérieur français d’une position prééminente à une scène de second ordre.
Je l’ai rencontré il y a bientôt dix ans, quand nous cherchions à réhabiliter le libéralisme comme valeur de gauche dès lors qu’il promeut l’initiative individuelle contre la contrainte collective et la remise en cause permanente des rentes et positions dominantes. Ont suivi des combats plus terre à terre, notamment à Paris contre une mairie d’imposteurs et de démagogues. Il fut l’un des fondateurs du Parti des Libertés.
C’est le devoir du philosophe de dénoncer l’illusion et le mensonge, quand bien même ce couple infernal peut avoir une certaine utilité sociale. Il le paie souvent très cher. Ces dernières années, Michel avait dû trouver à l’étranger et par une activité sur le marché des changes les moyens de s’en sortir. Ce n’était pas facile mais il le faisait avec ténacité et trouvait même le temps décrire de longs articles sur les méfaits des manipulations des banques centrales, un thème qui, lui aussi, n’a pas fini de faire couler de l’encre.
Michel était un être novateur, courageux, amical et chaleureux. Nous ne l’oublierons pas et tiendrons fermement, en songeant à lui, le relais de la recherche de la vérité qu’il a si solidement serré entre ses mains.
Ceux qui veulent lui rendre hommage se réuniront au cimetière parisien de Bagneux, mercredi 6 avril à 15 heures, 45 avenue Marx Dormoy, division 079, ligne 0017, tombe 0038.