Voici un sympathique travail collectif, des comme je les aime qui permettent aux lecteurs de découvrir des talents, méconnus, en devenir, sans prendre le risque de se tenter à un pavé de 400 pages. Pour ce recueil de quatre, longues, nouvelles, 4 auteurs gabonaises se sont associés pour parler de la maternité, ou plutôt de tout ce qui tourne autour du désir d’enfant, ou du non désir ?
J’ai commencé par la nouvelle "La mélodie de mon cœur" d’Edna Merey-Apinda. L’auteure conte le sympathique récit, à deux voix, de Alec et Alicia, couple heureux comme jamais, en total réussite processionnelle, amoureux transit et ayant, tous le deux, des familles qui baignent dans la réussite matérielle, familiale etc... Bref, l’idyllique vie de roman. Puis, le "mais", car il y en a toujours un sinon il n’y aurait pas de littérature, c’est l’épine culturel énorme qu’est la stérilité dans le couple.
Dans une écriture maitrisée, Edna nous fais entrer dans la vie des protagonistes en usant – abusant ? – des dialogues et en abordant ce tabou de la stérilité dans l’environnement, assez intéressant, d’une (haute) élite gabonaise, mais aussi l’introduction du concept, inhabituelle, d’adoption. Et c’est là l’un de mes bémols car, Alec et Alicia (malgré la pression de sa mère) font partie d’une élite "mondialisée" qui, déjà, "accepte" avec moins de violence la stérilité féminine que ça ne l’aurait été dans les couches plus populaires, rurales par exemple. De ce fait, le récit manque, à mon goût, de l’intensité dramatique nécessaire à créer l’émotion forte. L’histoire reste "sympa" et l’écriture, trop sage, manque d’aspérités, ne parvient pas à mettre l’épice pour relever la narration. Cependant, la lecture est fluide, et l’auteure sait nous garder accroché à son récit.
Le récit de Charline Effah ne m’a pas surpris. Je connais l’écriture de cette auteure et sa nouvelle (« Des noces avant la nuit »), a la même écriture ciselée, travaillée et arrondie que dans son magnifique roman "N’être" (édition La Cheminante, 2014). Le style cherche des mots très visuels, et accompagne une narration qui se réussit (parfois) prose poétique. Et l’histoire est complexe, encore plus, originale et en dire ne fusse qu’un petit peu serait digne du spoiler de l’année. Sachez simplement qu’il s’agit d’une femme forte et qui a décidé de bousculer sa société, rendre hommage à son – défunt – mari, de façon… magistrale. Certains diraient "tirées par les cheveux", moi je loue l’imagination de Charline pour ce conte très, très moderne.
Le "Inieza" de Miryl Eteno est la troisième nouvelle de ce recueil collectif. Une femme stérile qui voit son homme aller "fructifier" un autre champ, las d’attendre après sept ans de mariage. Elle le vit durement, évidemment, et pendant 4 ans, elle avance dans sa vie, vers l’inéluctable ménopause. Et là...
Oui, c’est ça le souci. Banalité des banalités, tout est banalités. L’écriture, maitrisée et fluide est trop "sérieuse", trop "sage". Et la première partie de la nouvelle, trop longuette, vient phagocyter le vrai clou – pour le lecteur que je suis – de l’histoire qui aurait mérité que l’auteure s’y appesantisse plus. Bref, une lecture sympathique, une jolie découverte d’une auteure qui, sans aucun doute, gagnera en relief.
Pour "L’ultime sacrifice" de Mutse-Destinée Mbonga, j’ai rarement lu une nouvelle dont le titre ait été si mal choisi. En fait, je ne comprends même pas le lien entre l’histoire de cette fratrie de trois sœurs, livrées à elle-même dans la dure jungle urbaine d’une capitale africaine qui n’offre rien d’autres aux femmes que le marchandage de leurs charmes. Évidemment, comme souvent, le poison de l’envie viendra décapiter la poule aux œufs d’or de la close maisonnée, et ce semblant de stabilité bascule dans une seconde partie de la nouvelle où on est en plein dans la question de (l’absence) l’enfant. Si, l’écriture est "propre", bien trop propreté encore une fois, l’histoire aurait pu être encore plus prenante si elle n’avait pas été narrée de façon aussi linéaire, avec aussi peu d’originalité dans la structuration du récit. L’auteure a une belle imagination mais a manqué de fantaisie de son rôle de conteuse, et c’est dommage.
« Le plus beau des noms », édité aux éditions La Doxa, est une belle découverte et une lecture agréable. Et, sans qu’elles ne se soient semble-t-il concertées, il y a une vraie constance dans ces quatre nouvelles. La classe sociale.
Les quatre histoires, qui expriment des problématiques et des sentiments très universels, auraient pu se dérouler dans un 7ème arrondissement parisien. Les 3 nouvelles lues disent beaucoup des auteures ; classe sociale plutôt aisée, intellectuelle et plongée dans des questionnements qui sont très bobo-meurtris-par-le-besoin-de-procréer.
Sur les 4 nouvelles, seule celle de Charline Effah fait preuve de vraie d’originalité, nous surprend. Celle de Mutse-Destinée Mbonga est sans doute celle qui me frustre le plus car il y a une sensation de potentiel non totalement exploité. L’ensemble du recueil est de bonne facture, plaisant - au final - à lire et on y avance facilement, de façon fluide. Les 4 visions de la maternité, ou de son absence, sont traitées dans des histoires fort différentes mais du fait qu’elles soient socialement situées dans les mêmes sphères, dans les mêmes environnements urbains africain, on a l’impression parfois d’un certain "déjà lu" quand on passe d’une histoire à l’autre.
Ce recueil est un très bon moyen de découvrir une littérature féminine gabonaise de belle qualité. Je suis curieux d’en lire plus des 3 auteures que j’ai découvert, et j’espère que ce livre aura la faveur des lecteurs
« Le plus beau des noms »
Collectif
Éditions La Doxa