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La Rochelle : les vraies raisons du malaise des commerçants en centre-ville

Publié le 02 avril 2016 par Blanchemanche
#LaRochelle
Publiéle 02/04/2016 par frédéric zabalza
En centre-ville, des commerces proches du Vieux Port piéton, ici rue du Temple, souffrent d’une perte d’attractivité au profit d’autres zones comme celle du marché central.
En centre-ville, des commerces proches du Vieux Port piéton, ici rue du Temple, souffrent d’une perte d’attractivité au profit d’autres zones comme celle du marché central.© 
PHOTO PIERRE MEUNIÉ

Port piéton, contexte économique, achats sur Internet, déplacement de l’attractivité… Les difficultés des commerçants du centre-ville sont multiples

«D'une manière générale, il est vrai que le commerce en centre-ville souffre. » Le diagnostic est livré par Nicolas Monatlik, gérant et fondateur de Projet Commerce, une agence spécialisée, comme son nom l'indique, dans l'immobilier commercial et la vente de fonds de commerce.
La douleur existe, donc, merci docteur. Il suffit d'entendre crier certains commerçants pour s'en convaincre. Mais quelles en sont les causes ? L'agent immobilier examine les symptômes. « D'une part, les gens consomment moins. On est toujours dans un contexte de crise économique, les statistiques nationales démontrent que des records ont été battus en 2015 en matière de baisse de consommation. Ensuite, c'est vrai que les gens ont du mal à traverser le Vieux Port avec la fermeture de la circulation. Des commerçants qui comparent le dernier trimestre de 2015 avec celui de 2014 voient une chute de 20 % à 30 % de leur chiffre d'affaires. Troisième facteur selon moi, depuis quatre ou cinq ans, l'offre de restauration en centre-ville s'est déplacée vers le marché. On y trouve aujourd'hui des affaires qui ont bonne presse, une ambiance qui séduit le public. Peut-être aussi qu'on peut s'y garer un peu plus facilement… Les restaurants du Vieux Port auront toujours la clientèle touristique, mais la clientèle locale va voir ailleurs. »

Manque de différenciation

Propriétaires de murs commerciaux à La Rochelle, et accessoirement président départemental de l'Union nationale de la propriété immobilière (UNPI 17), Jean-Louis Racaud n'est pas loin de partager la même analyse. « Il y a effectivement un malaise en terme de fréquentation, avec des disparités en fonction des quartiers. Le changement de circulation en centre-ville a certainement généré un déplacement de l'attractivité. Il est plus difficile d'accéder au Vieux Port, ça décourage les gens. Après, il ne faut pas tout mettre sur le compte de la circulation. Si l'on prend l'exemple de la rue Saint-Jean-du-Pérot, ce n'était pas forcément plus facile d'y accéder avant. »
« Dans cette rue, la plupart des établissements avaient une carte classique à mon avis, estime un agent immobilier. Il y avait un manque de différenciation. En dehors de quelques restaurants qui ont pignon sur rue, ceux qui s'en sortent ont un concept, une identité propre. » La rue Saint-Jean-du-Pérot a connu trois liquidations en presque trois mois (Le Labo, Le Trente et 1, El Asador).
Peut-être que le Vieux Port piéton sera le coup de grâce pour certains
« On parle beaucoup de la restauration, mais ça concerne aussi les commerces de prêt-à-porter. Certains ont dû vendre à un prix sans aucune mesure avec celui auquel ils avaient acheté. Là comme dans d'autres secteurs, la téléphonie par exemple, c'est dû avant tout à la crise et à la modification des habitudes de consommation. Les gens font de moins en moins de shopping. Regardez l'évolution des achats sur le Net, qui ont atteint + 14 % en France l'an dernier. Il faut bien les prendre quelque part… », remarque Nicolas Monatlik, pour qui un particularisme rochelais est également en cause.« Les prix ont très longtemps été sensiblement supérieurs à la moyenne nationale. Aujourd'hui, avec la loi de l'offre et de la demande, et des demandes qui ont baissé, les prix ont baissé aussi. On arrive ainsi à des prix de vente à environ 80 % du chiffre d'affaires, sachant que les critères tiennent compte de la rentabilité, du chiffre d'affaires ainsi que des installations (électricité, normes hygiéniques, accessibilité, etc.). Je veux bien croire que le Vieux Port fermé à la circulation ait eu une influence sur les projets d'acquisition et les cessions de fonds de commerce, c'est en effet un mauvais signal, mais ce n'est pas ça qui va empêcher un client d'aller manger là où il a envie. »

Trois millions de touristes par an

« Je pense que le commerce en centre-ville traverse une période de transition, confie Jean-Louis Racaud. L'économie est morose, le prêt-à-porter est en perte de vitesse à cause d'Internet ou parce que les gens préfèrent aller à Beaulieu, les commerces les plus fragiles souffrent. Peut-être que le Vieux Port piéton sera le coup de grâce pour certains, mais il faudra surtout un temps d'adaptation. Car le centre-ville reste attractif malgré tout. »Nicolas Monatlik confirme. « Il y a de moins en moins de commerçants franchisés et indépendants, mais il y a davantage d'enseignes nationales. Elles savent que La Rochelle attire trois millions de touristes chaque année, que le centre-ville offre une belle visibilité. La rentabilité a moins d'importance pour elles que pour les indépendants. »Le boucher a baissé le rideauUne certaine lassitude et un trop-plein de contraintes. Voilà ce qui a amené Olivier Augereau, 49 ans, boucher de l’avenue Jean-Guiton, à baisser le rideau de son commerce, jeudi dernier. Au grand dam de sa fidèle clientèle.« Je suis installé depuis 1992, je travaille seul, même si mes parents, à la retraite (75 et 77 ans, NDLR) m’aident encore. Certes, le port piéton nous a fait perdre environ 15 % de chiffre d’affaires car nous travaillions beaucoup avec une clientèle de passage mais ce n’est qu’un élément qui s’est ajouté à d’autres contraintes », assure Olivier Augereau. Et de lister, pêle-mêle, la difficulté à recruter du personnel qualifié, une certaine fatigue du métier - « Je travaille 90 à 100 heures par semaine, c’est très prenant. » -, l’accumulation de contraintes administratives - « On nous en demande toujours plus avec le RSI, on est submergé de normes sanitaires, on doit toujours se justifier. » -, ou encore le fait qu’il n’ait pas trouvé de repreneur.ÉconomiesLe Petit Boucher était à vendre depuis un an, sans résultats. « On a eu aucun appel, aucune nouvelle. » L’affaire tournait plutôt bien mais le patron a choisi de passer à autre chose. En fermant, il a dû licencier deux personnes employées à mi-temps (pour le nettoyage et la caisse, le samedi matin).Célibataire, Olivier Augereau va profiter de ses économies et de sa maison sur l’île de Ré pour se donner le temps de penser à ce qu’il veut faire par la suite. « Au moins, mes parents pourront profiter pleinement de leur retraite », conclut-il.Coraline Debreuxhttp://www.sudouest.fr/2016/04/02/les-vraies-raisons-du-malaise-2318961-1391.php

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