Un huis-clos angoissant d’où aucune échappatoire n’est possible, enveloppé dans un voile de bonnes manières et une nuée de pluie …
Rien en apparence ne distingue ce couple discret d’intellectuels parisiens venus s’installer pour une période de convalescence dans leur maison de vacances isolée, à quelques kilomètres de Quimperlé … François, 58 ans, professeur d’histoire médiévale à l’Université, elle, Mathilde, belle femme un peu plus jeune, peintre galeriste d’art contemporain. Cette maison pleine de charme, dans laquelle ils ont entrepris de grands travaux pour qu’elle soit accueillante et chaleureuse, avec ses sols en terre cuite, ses boiseries, sa bibliothèque où François collectionne des éditions originales aux reliures patinées, ou des objets étranges datant des siècles où l’on ne reculait pas devant certaines tortures physiques … ou mentales.
Ce couple vient en réalité de traverser un cataclysme familial et cherche à en gérer les séquelles. François souffre d’une blessure par balle qui le contraint à marcher avec une béquille, à ingurgiter force calmants. Mathilde trouve dans sa peinture et les activités ménagères compulsives un exutoire à ses pensées culpabilisantes, obsédantes … Seuls dans cette longère mais sous une pluie omniprésente, ils n’ont aucune relation avec le monde extérieur à part leur voisin immédiat, un vieil agriculteur qui vient parfois leur apporter une cagette de légumes, histoire de voir un peu ce qui se passe chez eux …. Jusqu’à leur rencontre avec Ludovic, jeune paumé dégingandé, à la chevelure blondasse coupée à ras, aux manières frustres et qui cherche du travail. Les Vasseur l’engagent pour quelques jours, et n’ont qu’à se louer de son ardeur et de son habileté manuelle : tout ce qu’il remet en état chez eux, termine de chantiers abandonnés, s’avère parfait : jardinage, plomberie, peinture, menuiserie … Peu à peu, Ludovic s’installe, s’impose … Phénomène d’emprise, syndrome de Stockholm … Ludovic leur déclare qu’avec eux, il se sent comme dans une vraie famille.
Sauf qu’après six semaines de cohabitation parfois pesante, le programme de travaux arrivant à son terme, Ludovic déclare à François et Mathilde qu’il va les quitter. Et tout bascule dans l’horreur …
Une nouvelle fois, Vincent Musso évoque les traumatismes de l’enfance maltraitée, de l’éducation trop sévère, le refoulement et le déni et leurs terribles conséquences à long terme, les effets dévastateurs des chocs post-traumatiques, la détresse indélébile des victimes de tueries aveugles, les ravages de la culpabilité quand la faute ne peut plus être réparée … La construction du thriller en trois parties, chacune dédiée à l’un des personnages, nous mène crescendo du malaise à bas bruit à la violence démente, avec une immixtion dans l’esprit des bourreaux comme des victimes qui ne laisse aucun doute sur les actions qu’ils s’apprêtent à accomplir … Sauf qu’ils ne peuvent en maîtriser tous les aléas … et c’est évidemment sur ces rebondissements inattendus, tombant naturellement au bas d’une page impaire, que nous reprenons le fil de notre respiration haletante …
J’aime beaucoup la référence « à Ingrid Desjours, Promissi potens», figurant en dernière page … Avec Valentin Musso (le frère de Guillaume !), quelle génération d’écrivains nous avons là !
Une vraie famille, thriller de Valentin Musso, publié au Seuil, 375 p. 19,90€