Cyclocaravane Paris-Pékin: la croisière rouge !

Publié le 13 juin 2008 par Chantal Doumont

Comme une longue chenille rouge qui s'étire sur la Route de la Soie, la centaine de cyclotouristes de la caravane Paris-Pékin, dont les maillots carmins étincellent sur la blancheur immaculée de la neige des Monts Célestes, peinent à l'assaut du col Tyu Achu, perché à 3.500 mètres au nord du Kirghizstan.

Ils viennent d'avaler le 8000e kilomètre depuis leur départ de Paris, le 16 mars dernier. Ils ont franchi 10 pays, France, Allemagne, Autriche, Hongrie, Serbie, Roumanie, Moldavie, Ukraine, Russie et Kazakhstan, à une moyenne de 100 km/jour.

Cette "croisière rouge" de 12.234 km, organisée par la Fédération Française de Cyclotourisme (FFCT), est attendue à Pékin le 3 août, cinq jours avant l'ouverture des JO.

"Bravo Messeigneurs... Reste 1 km avant le col... Chapeau bas... Je suis fier de vous... Prenez votre temps...": Henri Dusseau, 75 ans, le directeur opérationnel de l'expédition et "père du régiment", se tient au bord de la route en lacets que dominent les pics à plus de 7.000 mètres du massif des Tian Shan.

Il applaudit et a un mot d'encouragement pour chaque forçat de la route qui grimpe avec régularité mais souffle comme une forge, tant en raison de l'effort soutenu que de l'appauvrissement en oxygène à haute altitude.

Mais la singularité de cette expédition Paris-Pékin, inédite par le nombre élevé de ses participants, tient à leur âge moyen... 59 ans. Le plus jeune a 19 ans et le plus âgé 76 ans. Parmi eux, 20 femmes. C'est une caravane de "seigneurs" qui peuvent en remontrer à bien des "juniors".

Ils sont originaires de 20 régions françaises et 46 départements, mais aussi de 10 pays étrangers: Allemagne, Canada, Suisse, Angleterre, Espagne, Luxembourg, Danemark, Belgique, Etats-Unis et Chine.

"Quel spectacle... grandiose", s'extasient Chantal et Henri Alméras, 68 et 69 ans, en mettant pied à terre au sommet.

Ils sont retraités originaires de Villefort, un hameau de 600 habitants au pied du Mont Lozère. "Ce sont les plus beaux paysages depuis notre départ de Paris et nous ne savions même pas que ce pays existait...", confient-ils.

Kirghizstan, République indépendante d'Asie Centrale depuis 1991, 5 millions d'habitants et 81 ethnies, le pays des "chevaux célestes", coincé entre la Chine, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan, capitale Bichkek.

Le peloton s'est remis en selle. Longue et raide descente vers une nouvelle vallée majestueuse. Arrêts brusques lorsqu'on croise des troupeaux de moutons ou de chevaux en transhumance qui montent vers les pâturages d'été à 3.500 mètres d'altitude, menés par de fiers cavaliers, fouets à la main et kapak (coiffe traditionnelle de feutre en forme de cloche) sur le chef.

Ici et là sont érigées des yourtes où de petits éleveurs proposent le koumis (lait de jument fermenté) et le kourout (fromage séché et salé). Et toujours, dans le paysage, des hommes à cheval, de tous âges, qui semblent sortir de nulle part et regardent, éberlués, la chenille rouge qui glisse en silence entre les monts escarpés.

Halte et bivouac dans la verdure sauvage aux mille senteurs où paissent chevaux et moutons d'une famille kirghize d'éleveurs semi-nomades et leur petit garçon de 3 ans. Visages de type mongol tannés et taillés à la serpe. Sourires et accueil chaleureux. On offre le thé vert et le pain cuit dans la cuisinière artisanale où brûle la bouse de vache séchée.

Stalbek, le grand-père, 70 ans, n'a jamais vu de sa vie une telle cohorte d'étrangers, tous vêtus de rouge avec leurs drôles de cuissards et leurs étranges casques bariolés, fondre sur ses terres.

On lui montre une carte du vaste itinéraire Paris-Pékin. Il regarde, interdit. Il ne sait pas où est la France, mais il sait où est Pékin, son voisin chinois.

"Bienvenue", dit-il en russe à Sacha, l'interprète. "Quand j'ai vu tous ces cheveux blancs, comme moi, capables de traverser le monde à vélo, je me suis dit... Respect!"

AFP