Des éditeurs rares, ici Isoète éd., publient des livres qui
le sont plus encore, quand bien même ils rejoignent une œuvre considérable,
aujourd’hui abritée quasi toute chez José Corti : celle de Claude Louis-Combet.
Les réflexions comme les récits lyriques les plus connus situent l’écrivain sur
une île plus isolée et moins repérable dans l’océan littéraire actuel que
l’archipel improbable d’où partit ou échoua saint Brendan. La figure et la
pérégrination du moine irlandais légendaire encadrent métaphoriquement la très
belle confession réfléchie et lyrique de Claude Louis-Combet dans La Fin de l’archipel. Il s’agit là moins
d’une relation autobiographique que de celle d’une aventure purement
intérieure. Enoncé à la première personne, il semble que "l’homme du texte" et l’homme de
chair s’y fondent (fondre : fusionner et fonder aussi) plus qu’ailleurs,
dispensés ici parfaitement de tout recours à une tierce Figure (hagiographique
souvent ailleurs). Car, dans toute l’œuvre, le souci de l’écrivain aura été de
"rendre sensible la présence de la
chair dans l’ordre des mots." (L’homme
du texte, Corti éd.). La confession personnelle ne se dépouillant jamais de
l’apparat de la langue, l’écrivain parvient à les faire se conjoindre, comme en
tous ses livres, sans aucun artifice, en un très juste accord.
Il y a dans ce texte très court (qu’amplifient en sa belle typographie les
étranges formes ovoïdes des dessins et gravures de J. G. Gwezenneg) ce dont le
reste de l’œuvre nous a faits familiers : l’aspiration vers Dieu, la
cassure adulte, le péché de chair, la permanence d’une fascination pour les figures
de l’hagiographie, la lucidité face à l’avancée de l’âge, l’aveu aussi d’une
masse d’écrits en attente dans cette réduction de la vie à sa peau de chagrin.
Mais ce qui en fait la singularité et nous atteint plus que tout dans ce récit,
c’est son cœur battant, la sève et sang qui l’irrite et le traverse tout et que
nous savons, hors de tout texte, la réalité physique, concrète, charnelle de
deux personnes indissociables.
Dans "le débord de la nostalgie et
de la mélancolie", se dit, au plus loin comme au plus près des
navigations du moine incitateur, le désir humain : celui d’une grande
passion unique, consomptrice, vécue comme absolue.
Contribution de Bernadette Engel-Roux
Claude Louis-Combet :
La Fin de l’archipel
dessins et gravures de J. G. Gwezenneg
éditions Isoète, Cherbourg-Octeville 2007
ISBN : 9 782913 920675 – 13€