(interview : Le Point)
Je l'avais déjà entendu dire, et je pouvais désormais en témoigner : en vérité, les murs étroits des prisons ne peuvent pas tracer de limite aux ailes de notre imagination.
Le fait est que, même en captivité, notre imagination reste libre.
Etre sans destin
« Parfois, comme une martre pelée qui aurait survécu à la grande extermination, je traverse encore la ville. A certains bruits, certaines images, je dresse l’oreille comme si mes sens engourdis et encroûtés étaient agressés par l’odeur des bribes de souvenirs. A côté de certaines maisons, à certains coins de rue, je m’arrête, terrifié, les narines dilatées, je scrute les alentours d’un œil effrayé, je veux m’enfuir mais quelque chose me retient. Sous mes pieds bouillonnent les égouts, comme si le torrent sale de mes souvenirs voulait sortir de son lit pour m’engloutir. Qu’il en soit ainsi ; je suis prêt. Dans un dernier grand résumé j’ai montré ma vie faillible, opiniâtre – je l’ai montrée pour ensuite, portant le baluchon de cette vie dans mes deux mains tendues, m’en aller et, comme dans l’eau noire et tempétueuse d’un torrent,
sombrer,
mon Dieu !
faites que je sombre
pour l’éternité,
Amen. »
Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas
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