Exposition « Reflets dans un œil d’or » Anne Laure Sacriste | Maison des arts Georges Pompidou

Publié le 31 mars 2016 par Philippe Cadu

Du 9 avril au 5 juin 2016 - Vernissage Samedi 9 avril 2016 -15h

http://www.magp.fr/

" J'épuise les images, jusqu'à faire surgir quelque chose sur la toile.
Alors l'essentiel des choses apparaît. "
Anne Laure Sacriste peint des monochromes, des motifs de paysages, des détails de végétaux avec une qualité qui rappelle l'héritage de Poussin et d'Ingres. Inspirée par un classicisme récurent, elle s'intéresse particulièrement à la précision du réel et à ses brèches offertes à l'imaginaire. Sa peinture est comme une invitation à aller ailleurs, vers un temps suspendu, immobile, où le paysage - ou plutôt la mémoire du paysage- devient l'élémentemblématique d'un récit symbolique. Une logique de l'apparition est à l'oeuvre dans cet univers énigmatique, ténébreux et éblouissant à la fois. On y entre comme dans un roman policier, à la recherche d'indices, de détails, de silence. Comme dans le film de John Huston, qui donne son nom à l'exposition, il est ici question de reflets et de mise en circulation de la lumière, du sens, des relations entre les choses et les êtres.
L'artiste transforme la première salle en un espace domestique pour mieux servir son oeuvre éclectique. Peintures sombres et iridescentes mais aussi céramiques, cuivre gravé, dessins botaniques composent " une étrange scénographie silencieuse "1. Les dessins, d'une précision naturaliste, révèlent une chorégraphie de lotus. Un papier peint habille le mur du fond reprenant des motifs textiles floraux de William Morriségalement mis à l'oeuvre dans une peinture exposée plus loin. Des tableaux noirs s'articulent à des plaques de cuivre. Un paravent peint amène dans le second espace. Il y a là peu de choses : une céramique, une petite toile peut-être ou un film Super8 - l'artiste a récemment filmé les jardins à Kyoto - des éléments épars, quelques bribes choisies qui permettent de rebondir au coeur de la peinture.
Entre minimalisme et symbolisme, les compositions avec les grandes peintures se répondent dans la dernière et vaste salle. Suivant d'où on le regarde, la perception du tableau varie de l'obscurité totale à la pure lumière, du minimal au décoratif, sans que jamais la pensée ne s'arrête, pour chercher à voir au-delà du visible, dans la profondeur des couleurs ou le surgissement des motifs. Un ensemble de bols en céramique occupe le centre de l'espace, comme une île flottante. Anne Laure Sacriste vient de passerplusieurs mois au Japon à apprendre les gestes près d'un Sensei, un maître de cet art ancestral et subtil. Concentration, économie, sensualité et spiritualité se conjuguent ici dans le façonnage répété d'une boule de terre.
L'artiste déploie ce même type d'énergie avec tous les matériaux.
La rigueur de la composition, la vibration des teintes, la précision du détail, pourraient faire oublier le labeur, la lenteur et le tâtonnement. Or, dans cet univers de maîtrise, les Contrepoints, ces palettes ou martyrs d'atelier viennent souligner, en miroir, la paradoxale spontanéité du geste de faire. L'oeuvre d'Anne Laure Sacriste épouse et tresse ces deux mouvements : la capacité à l'émerveillement et la conscience d'une immense fragilité. Elle évoque alors une sorte de " dramaturgie de l'âme "2.
Martine Michard, commissaire de l'exposition

Centre d'art contemporain, 134 avenue Germain Canet, 46160 Cajarc : http://www.magp.fr/
ouverture du mercredi au dimanche, de 14h à 18h, entrée libre.