Un an après l’arrivée de Dawn autour de Cérès, le plus gros objet de la ceinture d’astéroïdes et première planète naine jamais visitée, l’équipe a dévoilé lors de la 47e Lunar and Planetary Science Conference des images en haute résolution de sa surface et fait l’inventaire de ses principales énigmes encore irrésolues.
Visitées pour la première fois en 2015, à quelques mois d’intervalle, chacune par une mission différente, les planètes naines Cérès et Pluton ont eu droit tour à tour à leurs portraits, à l’occasion de la 47e LPSC (Lunar and Planetary Science Conference) qui s’est déroulée du 21 au 25 mars au Texas. Des portraits incomplets certes, car les données les concernant sont toujours en cours de traitements et que leur géomorphologie est encore loin d’avoir été totalement comprise.
Depuis un an que la sonde Dawn cartographie Cérès, corps dominant de la ceinture principale d’astéroïdes, sous toutes les coutures à différentes altitudes, plusieurs questions demeurent sans réponses. Beaucoup concernent la dizaine de groupes de taches blanches éparses à la surface du petit globe (voir carte ici) de quelque 540 km de diamètre et aussi quant à la forme de certains cratères ou encore la formation du mont Ahuna, étrange édifice aux pentes très lisses qui semble s’être élevé brusquement.
Assemblage de trois images détaillées du cratère Occator (92 km de diamètre et 4 km de profondeur) prise par Dawn à 385 km d’altitude qui arbore les taches les plus brillantes de Cérès. La résolution est de 35 mètres par pixel. Au centre, on distingue un dôme crevassé au milieu de la fosse et une multitude de rayures tout autour et à travers le fond du cratère – Téléchargez l’image en haute résolution ici — Crédit : NASA, JPL-Caltech, UCLA, MPS, DLR, IDA, PSI, LPI
De drôles de cratères
Il y a du nouveau avec Occator, cratère de 92 km de diamètre et de 4 km de profondeur, qui abrite les taches les plus brillantes de la planète naine. Dans le cadre de l’orbite de cartographie à basse altitude (désormais à 385 km) commencée en décembre 2015, les scientifiques disposent de vues plus détaillées de ses reliefs internes. Sur des images moins exposées, on distingue ainsi à l’intérieur de la tâche centrale, un dôme au sommet et aux flancs crevassés. Plusieurs fissures sont également visibles dans et autour de son environnement blanchi vraisemblablement par des dépôts de sel. « La géométrie complexe à l’intérieur du cratère suggère une activité géologique dans un passé récent, a déclaré le planétologue Ralf Jaumann du Centre aérospatial allemand (DLR), mais nous avons besoin de compléter la cartographie géologique détaillée du cratère afin de tester des hypothèses sur sa formation. »
Beaucoup moins célèbre, le petit cratère Oxo – 9 km de diamètre – arbore la deuxième tache la plus brillante de Cérès. Le matériau est surtout observé sur ses pentes et alentour comme des projections. Une partie de ses remparts apparaissent effondrés. Relativement jeune, il est le seul endroit en surface pour l’instant où de l’eau a été détectée. Celle-ci est peut-être liée aux minéraux ou a pu être excavée par les glissements de terrain.
Le cratère Haulani (34 km de diamètre) dans le visible et l’infrarouge. La première, à gauche, indique les variations de luminosité. La seconde montre la minéralogie et la troisième dévoile les différences de température de cette région (plus froid en bleu et plus chaud en rouge) — Crédit : NASA, JPL-Caltech, UCLA, ASI, INAF
Tout aussi intriguant, le cratère Haulani – 34 km de diamètre – qui lui aussi possède une des taches les plus remarquables. Ses contours bien définis laissent supposer qu’il a été récemment créé par un impact. Étudié avec le spectromètre VIR (visible et l’infrarouge) qui permet de cartographier la composition minéralogique en fonction de la lumière réfléchie par les matériaux, il se distingue très nettement de son environnement où domine un mélange de carbonates et phyllosilicates. « Les images en fausses couleurs de Haulani montrent que le matériau excavé par un impact est différent de la composition de la surface générale, note Maria Cristina de Sanctis, responsable de l’instrument VIR. La diversité des matériaux implique qu’il y a soit une couche mélangée en dessous, ou soit c’est l’impact lui-même qui en a modifié les propriétés. »
Plus grand et plus ancien, Urvara – 170 km de diamètre – n’en est pas moins curieux. À la différence de bien d’autres cratères celui-ci présente un double pic central. Quant à son plancher, il apparait rugueux et laminé de plusieurs fissures quasi parallèles.
La détection des neutrons avec l’instrument GRaND de la sonde Dawn dans l’hémisphère nord de Cérès indique une plus grande proportion d’hydrogène près des pôles qu’aux basses latitudes. Les mesures suggèrent une présence d’eau sous la surface à moins d’un mètre de profondeur dans cette région polaire — Crédit : NASA, JPL-Caltech, UCLA, ASI, INAF
Que nous cache le sous-sol de Cérès ?
Un an après avoir commencé à faire connaissance avec Cérès, l’équipe scientifique a constaté qu’elle ne possède pas autant de grands bassins d’impact qu’ils le suspectaient. Toutefois, les petits cratères sont globalement aussi nombreux que ce qu’ils attendaient.
Une carte en fausse couleur nous invite à découvrir les relations entre les matériaux en surface et les reliefs. « Bien que les processus d’impact dominent la géologie en surface, nous avons identifié des variations de couleurs spécifiques qui indiquent des modifications importantes dues à une interaction complexe du processus d’impact et la composition du sous-sol, indique Ralf Jaumann. En outre, cela donne une preuve qu’il existe une couche souterraine enrichie en glace et en volatiles. »
De leur côté, les données acquises depuis décembre 2015 avec l’instrument GRaND (Gamma Ray and Neutron Detector), lequel démasque la composition chimique superficielle par leur interaction avec les rayons cosmiques, indiquent une présence d’hydrogène de plus en plus marquée à mesure que l’on se rapproche des pôles. Associé à l’eau, cette mesure suggère que de grandes quantités s’y cachent. « Nos analyses vont tester une prédiction de longue date que de la glace d’eau peut survivre depuis des milliards d’années, juste sous la surface froide aux hautes latitudes » explique Tom Prettyman, le responsable du détecteur.
La planète naine la plus proche du Soleil (environ 415 millions de km, soit près de 3 fois plus éloignée que la Terre) est encore loin de nous avoir tout dit.
A voir et revoir au fil des mises à jour : galerie des images de la surface de Cérès acquises par la sonde Dawn.
Ci-dessous : animation montrant les orbites de cartographie de Dawn (à basse altitude – 385 km – depuis décembre 2015).