Partager la publication "[Critique] 13 HOURS"
Titre original : 13 Hours : The Secret Soldiers of Benghazi
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Michael Bay
Distribution : John Krasinski, James Badge Dale, Max Martini, Pablo Schreiber, David Denman, Dominic Fumusa, Toby Stephens, Alexia Barlier…
Genre : Action/Adaptation
Date de sortie : 30 mars 2016
Le Pitch :
En 2012, à Benghazi, en Libye, une base secrète de la CIA est attaquée le jour anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. Face à des assaillants lourdement armés et très nombreux, six hommes vont devoir résister pour sauver la vie de toute leur équipe. Histoire vraie…
La Critique :
Les choses ont vraiment commencé à déraper pour Michael Bay quand les robots sont arrivés dans sa vie. Complètement accro aux Transformers, vers lesquels il revient sans cesse (un cinquième épisode est prévu à l’heure où est publié cet article), le réalisateur ne semble visiblement pas s’apercevoir que si ces derniers lui permettent en effet de donner libre court à sa soif d’explosions en tous genres, ils le poussent irrémédiablement à refaire sans arrêt le même film. Ce qui, au bout d’un moment, lasse un peu. Heureusement, Bay a depuis quelques années, mis à profit le temps qui séparait deux Transformers pour revenir à un cinéma plus intimiste (selon ses propres critères) et ainsi se racheter un tant soit peu auprès d’un public ayant tourné le dos à ses délires pyrotechniques centrés sur des bagnoles capables de se changer en robots géants. Nous eûmes donc droit à No Pain No Gain, un excellent et complètement borderline thriller d’action bourré à la raz la gueule de stéroïdes, avant de retrouver Optimus Prime. Aujourd’hui, c’est ainsi 13 Hours qui précède le sempiternel retour aux affaires des Autobots et des Decepticons. Un film d’action, bien sûr, mais aussi, et c’est plus surprenant, animé de velléités politiques et totalement inscrit dans un contexte actuel.
Revenant sur la prise d’un centre de la CIA en Libye en 2012, par des rebelles, le jour de l’anniversaire de la chute des Tour Jumelles du World Trade Center, le nouveau film de Michael Bay entend aborder de front une problématique cruellement à l’ordre du jour. Le professeur Bay nous offre une leçon de géopolitique, avec les formes, et sans aucun complexe. Car si 13 Hours commence un peu comme une saison de Homeland, avec ses américains évoluant en sous-marin au Moyen-Orient, il vire rapidement de bord et propose tout ce qu’un long-métrage de Michael Bay est censé proposer à un spectateur de toute façon désireux d’en prendre plein la poire.
Bay est alors allé nous dénicher un fait de guerre lui permettant de se la jouer John Wayne en proposant sa version de Fort Alamo, à savoir cette histoire de six ex-soldats des Forces Spéciales contraints de défendre une place américaine contre des dizaines et des dizaines de rebelles lourdement armés.
On comprend rapidement comment Bay va traiter son sujet et les délicates questions qu’il soulève sans cesse, et au fond, sa démarche est plutôt maligne. Ce sont ses héros, des sortes d’Action Men tout ce qu’il y a de plus classique, qui nous livrent leur point de vue. Pas des politiciens, mais des soldats. Ce qui évite à Michael Bay ne trop s’appesantir sur la politique, la place de l’Oncle Sam au Moyen-Orient et la valeur de son engagement sur le terrain. Opposé à des rebelles, les soldats se défendent. C’est tout. Pendant 2h30, 13 Hours organise le siège et déchaîne les enfers. Le contexte est à peine effleuré. Juste assez pour justifier l’action. Bay ne s’embarrasse pas de quelconques complexes. Son long-métrage, il l’entrevoit comme jadis. Avec de bons vieux ralentis, des plans sur la bannière étoilée et sur les visages burinés de ces héros non reconnus par leur hiérarchie à leur juste valeur. Il filme les mâles alpha qui regardent les photos des proches restés au pays, s’attardant sur les alliances évoquant des jours meilleurs, l’amour et la paix, puis y revient sans cesse au fil de séquences durant lesquelles les soldats soulignent l’importance de la famille. Bay enfonce des portes ouvertes à la chaînes avec la finesse d’un char d’assaut. Et vas-y que je souligne bien la petite larme qui coule dans les barbes boostées à la testostérone avant de filmer les mecs hyper burnés en train de soulever de la fonte, les muscles bien dessinés sous la sueur abondante. Les punchlines succèdent aux discours sur l’importance de faire son devoir et c’est à peine si on ne devine pas en permanence la douce mélodie de l’hymne national américain. Du pur Michael Bay en soi. Un film signé par un mec qui continue de faire son truc comme si rien n’avait changé depuis les années 90. Un cinéaste qui fait tout ce qu’on attend de lui dans de pareilles circonstances au point parfois de s’auto-plagier (en nous refaisant des plans d’Armageddon par exemple).
D’un côté, aucune raison d’être déçu par 13 Hours. On peut même carrément être agréablement surpris. Par la gestion du temps surtout. 2H30 c’est long. Surtout compte tenu de l’épaisseur minimale du scénario. Pourtant, Bay n’ennuie jamais. Son récit est bien construit. Les clichés s’enchaînent certes, mais ils le font avec une fluidité exemplaire. L’action, forcément, est aussi à la hauteur. Immersif, grâce à l’utilisation de caméras DV, le long-métrage nous plonge au cœur d’affrontements sauvages et tant pis si parfois, on jurerait que d’un moment à l’autre, un Transformer va surgir pour sauver la mise aux humains. Ce qu’il faut comprendre par là, c’est que Bay fait du Bay. Encore et toujours. Il est crucial d’insister pour éviter d’être déçu. Son cinéma est un roc(k) qui ignore le passage du temps. Bay aime la virilité. Il adore les outsiders auxquels il finit toujours par donner les commandes. Sa façon d’entrevoir le chaos qui règne au Moyen-Orient peut choquer mais au fond, vu le personnage, difficile de lui en vouloir. Michael Bay n’est pas Clint Eastwood qui avec American Sniper avait livré une vision beaucoup plus torturée et complexe, en illustrant des thématiques ambiguës. Des thématiques que Bay effleure à peine, les balayant d’un revers de la main quand elles s’avèrent trop encombrantes, pour se focaliser sur les combats. Sur le sang, la sueur et les larmes de ces soldats pris en tenaille par un ennemi quasiment sans visage, aux motivations troubles. Un conflit que 13 Hours résout au terme d’une fusillade géante, orchestrée de main de maître. Et malgré tous les effort du maestro, c’est l’émotion qui morfle.
Car si le long-métrage tombe régulièrement dans l’excès pour bien nous faire comprendre que leurs familles manquent aux soldats, jamais l’émotion n’arrive à se frayer un chemin. Dans le genre, on est alors en droit de préférer Du Sang et des Larmes, de Peter Berg, en l’occurrence un autre bourrin notoire du cinéma yankee, qui s’avérait plus viscéral, tout en racontant plus ou moins la même chose. Le point de vue de Bay est trop distancié. Paradoxalement d’ailleurs tant à première vue, le réalisateur fait tous les efforts du monde pour nous faire croire en la souffrance psychologique de ces bêtes de guerre exploitées par un gouvernement qui a vite fait de s’en désintéresser quand les choses tournent au vinaigre. Mais non, ici, comme avant, c’est avant tout l’action qui prime. Les déflagrations et les échanges de coups de feu. On ne se refait pas.
@ Gilles Rolland