Henri Rechatin, dit "HENRY'S" a désormais son "passage" à Terrenoire... Henry's, un des joyaux du patrimoine stéphanois, n'a pas eu droit à une rue et encore moins à une avenue... juste un passage ! Lui, l'Albatros incarnant cette terre populaire, généreuse, aventureuse, ne mérite-t-il pas mieux ?
Après l'espace Nelson Mandela, l'allée Lounès Matoub, le passage Henri Rechatin a été dévoilé à Terrenoire... en "petites pompes", samedi 12 mars 2016. Gaël Perdriau Maire de Saint-Etienne, Gilles Artigues et quelques adjoints du conseil municipal, ont inauguré en présence de Janyck, Pierre et Corine Rechatin le passage Henri Rechatin. "Cette cérémonie est très émouvante, la municipalité a suivi le désir d'Henry's de surtout ne pas débaptiser une rue et je la remercie d'avoir trouvé un endroit à Terrenoire, son quartier" explique Janyck, l'épouse d'Henry's. D'accord, mais quand même ! La mémoire d'Henri Rechatin doit donc se limiter à une ruelle étroite ? - Question d'argent ? Faisons les comptes publics au débouté de cette journée du 12 mars.
La dépense est estimée à 35€ la plaque TTC et la pose d'un panneau par le service voirie est estimé à 98€ TTC. Facture pour le contribuable : à peine 140€ TTC. (relevés de PV du Conseil municipal).
Henry's est l'homme des records nationaux et internationaux. Ses exploits sont innombrables. Dans la Loire, outre les nombreux équilibres sur deux chaises en haut de différents bâtiments ou édifices, il a notamment traversé le barrage de Grangent sur un câble d'acier à quatre reprises (1965, 1966, 1980, 1995).
En 1973, il ne passe pas moins de 6 mois, toujours sur un câble et sans descendre, au-dessus de l'hypermarché Casino de Monthieu. Cet arrière-petit-fils de mineur a laissé derrière lui une renommée mondiale. Avec Janyck, il a gravé de nombreux records au Guinness-book. - "Partout où on allait, tout le monde savait qu'il était de Terrenoire !", explique sa veuve. Interprète inoxydable d'un pas de danse au-dessus du vide, son accent gaga a résonné partout en Europe mais aussi en Norvège, au Japon, en Corée, aux Etats Unis, au Canada et en Russie. Ici, en terre stéphanoise, sa mémoire, son honneur semblent avalés au purgatoire.
"Nul n'est prodigue en son pays" comme s'exclamait l'Ecclésiaste. Mais enfin...
Janyck, son "élément modérateur" savait qu'il aurait été heureux que son patronyme accompagne des élèves ou des sportifs. L'idée avait d'ailleurs été avancée, que le nom de notre funambule soit associé à une école ou à un centre sportif. Ce choix aurait été des plus judicieux pour honorer celui qui a tant fait pour les enfants de Terrenoire et d'ailleurs. Henry's s'était également la main tendue avec le rire en cadeau.
Sa volonté, que la joie règne autour de lui...
Michel Drucker honore l'artiste et le sportif. Saint-Etienne tire la tronche. Casino est amnésique. Saint-Etienne est migraineuse. Le Chambon-Feugerolle est respectueux.
Si Saint-Etienne reste frileuse et indécise, ce n'est pas le cas du Centre de développement personnel Henry's (zac Montrambert Pigeot rue des combes 42500 Chambon-Feugerolles) qui porte désormais son nom. Cet organisme d'aide aux personnes handicapées, conserve la mémoire d'Henry's et met en valeur la moto du funambule, sa combinaison ignifugée et bon nombre d'affiches et photos.
On se souvient aussi de l'épisode piteux de l'anniversaire de ses 80 printemps, ou par peur, la ville de Saint-Etienne, sa ville, lui avait refusé son dernier exploit... Celui-ci avait trouvé refuge auprès des pompiers de Dunières (Haute-Loire), suscitant un vrai élan d'adhésion populaire.
Et l'ouvrage de Philippe Beau "Henrys, sur le fil de sa vie" n'aurait-il pas sa place aux côtés de tous ces "goodies" offerts aux hôtes de marque par le service protocolaire de la mairie de Saint Etienne ? Pourquoi ne pas ajouter la découverte de l'image symbole d'Henrys aux écrits locaux de Jean Tibi ou à la reproduction de la "muse de Massenet" diffusée par Michel Mazoyer ? Ne pourrait on pas imaginer un parcours henrys dans l'agglomération avec des sihouettes ? Une course au trésor?
Casino est-il atteint d'Alzheimer ?
Les Stéphanois eux se souviennent des six mois d'Henry's passés sur un câble au-dessus du Géant Casino de Monthieu. Et pourtant, le livre de Philippe Beau, la biographie d'Henry's, "Henry's, sur le fil de sa vie" (Ed. du Poutan 2014) n'a pas été référencée par le distributeur et l'enseigne...
L'auteur a pourtant fait sonner le tocsin, jouant de l'entregent de François Rochebloine député de la circonscription. Signalons que ce dernier avait quant à lui largement et en toute amitié ouvert les portes de sa permanence à Janyck et à Philippe Beau, pour une signature/hommage au funambule en décembre 2014. Les clients ne peuvent donc pas trouver dans les linéaires des librairies des magasins Casino, la seule biographie à jour d'Henrys. Aucune entorse y compris pour le Géant Monthieu, lieu de l'exploit. En 1973, les choses paraissaient infiniment moins compliquées, comme le raconte Henri Rechatin lui-même dans un documentaire dédié à l'événement sportif. On est bluffé par la simplicité du deal. L'anachorète sur son stylite regardant le monde d'en haut... - "Quand je redescendrai du câble, je ne serai guère plus riche que 6 mois avant"
Chronique d'un oubli annoncé
Sans mémoire entretenue, l'oubli est l'affaire d'une génération
"Quand je suis à Saint-Etienne, je pense à Henry's, à l'ASSE et à Muriel Robin" - confesse Michel Drucker, dont la fidélité est acquise depuis 50 années au saltimbanque. À deux reprises, sur son célèbre canapé rouge, l'animateur vedette rendra hommage à son ami Henry's (2014 et 2015). Tout d'abord en compagnie de Bernard Lavilliers puis de Muriel Robin, il évoquera non sans nostalgie l'été 1965, où jeune reporter débutant, il couvrait la première traversée de Grangent par le funambule stéphanois. Chaque invité repartira avec la biographie d'Henrys en cadeau souvenir.
Henri Réchatin doit donner des leçons d'équilibre aux anges et séraphins. Henrys, le funambule, l'enfant de la balle, est entré dans les mémoires, dans la Légende. Sur les sept continents, le stéphanois, l'albatros, si libre face au vide, "le prince des nuées, roi de l'azur" ne doit pas quitter nos mémoires du présent.. Son héraldique doit être porté par des troubadours, sa mémoire conservée comme un témoignage d'une vie au-dessus du fil. La chronique d'un oubli annoncé serait une seconde mort selon nous.
Jean-Pierre Jusselme & Philippe Beau -