Durant la première moitié des années vingt, l'écharpe est une pièce maîtresse de la mode féminine, capable d'apporter du style aux toilettes les plus simples, celui des Années folles.
Se prêtant à toutes les occasions et s'accordant à toutes les tenues, elle offre des possibilités infinies : l'écharpe féminise la silhouette à la manière d'un bijou, et transforme rapidement les robes sobres des années d'après-guerre, apportant fantaisie, élégance ou sophistication .
Souple et fluide, de mousseline, soie, tulle, velours ou laine, plus ou moins longue et large, à franges ou à pompons, elle va du "simple voile léger et vaporeux" à la "bande de lainage épais et moelleux", en passant par la gamme de soieries de Chine. Elle peut être "lamée d'or ou d'argent, brochée unie, peinte ou brodée de perles, d'oiseaux, de fleurs, de personnages, garnie de singe ou de plumes d'autruche, terminée de pompons ou de glands."(1)
Toutes les fantaisies sont donc permises, tant dans la façon de les draper que dans ses coloris. Simple accessoire ou composante du vêtement, elle perme t ainsi d'obtenir les effets les plus inattendus. "Tout un jeu savant d'écharpes molles et vaporeuses flotte et s'enroule autour des robes"(2).
"L'écharpe n'est qu'un ornement, mais cet ornement sert à tout. (...) On s'en servira comme bon semblera, pourvu qu'on s'en serve. Ainsi veut la mode" (1). "Le développement de l'écharpe est tel", peut-on lire en 1924, "qu'il semble que les robes qui en sont dépourvues soient incomplètes"(3).
Pour toutes les occasions : de multiples façons porter l'écharpe.L'écharpe est "de tout âge, s'adapte à toutes circonstances, et convient aussi bien à la toilette la plus sévère (pour celles qui sont en deuil, par exemple) qu'à la somptueuse robe du soir"(4). "Elle sera bonne pour la ville et la soirée, le bal, la promenade et la ruelle, pour l'intérieur ou le grand air"(1), ainsi que pour le sport.
Sa souplesse lui permet toutes les interprétations : nouée en ceinture autour de la taille, en coiffure, jetée sur les épaules, les extrémités flottant sur les bras, enroulée autour du cou, un pan recouvrant la tête, blouse improvisée au besoin Le soir, c'est "une fantaisie légère destinée seulement à nimber les épaules ; deux ailes transparentes gracieusement enroulées autour des bras ou descendant des épaules jusqu'à terre"(1).(4).
Les écharpes apportent les couleurs qui manquent aux robes sombres ou neutres si fréquentes les années d'après-guerre, d'abord par petites touches timides de couleur, " soufre, citron, vert poison, rouille ou cornaline" (1), avant d'oser les couleurs vives, l'or ou l'argent.
Mais le comble de l'élégance est d'harmoniser l'écharpe à la teinte de la robe, à moins l'on ne préfère jouer le contraste, avec une écharpe noire ou colorée sur une robe blanche.
Nouée en ceinture autour de la taille. Autour du cou. Composante à part entière de la robe.De plus en plus, les couturiers donnent l'impression de mêler cet accessoire au vêtement, l'insérant aux pans d'une robe, ou la laissant retomber en drapé sur le côté. A partir d'un simple fuseau, ou autre modèle de base, ils créent une infinité de variantes en utilisant de longs rubans de tissus, écharpes improvisées qui viennent s'enrouler autour de robes du soir, simplement nouées, ou retenues par des boucles d'argent.
Selon le mouvement du drapé, l'écharpe se fait ainsi traîne, manche, ou long pan sur le côté, drapé retombant en cascade. Parfois elle s'enroule tant de fois autour du corps qu'elle semble entièrement constituer la robe.
L'écharpe forme une sorte de petite manche d'un seul côté (Jenny, 1922)
Une écharpe de mousseline de soie verte s'enroule sur un fourreau de satin blanc. Elle tourne autour de la taille, monte dans le dos, couvrant une épaule, passe sous la ceinture, et enroule la jupe dans un drapé qui revient à la taille, avant de finir en longue traîne (1922).
Sur ce fourreau en drap d'argent, l'effet d'écharpe est extrêmement simple. C'est ici une bande étroite de velours bleu retenue sur les épaules par des boutons d'argent, à la taille par des boucles d'argent et qui retombe en biais de chaque côté de la jupe, formant de longues pointes doublées de mousseline de soie du même gris que le drap du foureau (1922).
Cette écharpe de mousseline met une importante note de couleur sur le crêpe de satin noir. Elle part de l'épaule gauche, entoure le bras dans un effet de manche, traverse le dos, réapparaît sur l'épaule droite descendant jusqu'à la ceinture où elle est retenue par un motif. De là, elle forme devant la jupe un drapé qui tombe en cascade du côté gauche. L'écharpe ici fait toute la robe (1922).
Coiffure : en turban le soir, en bonnet pour le sport ou l'auto, en ornement sur un chapeau.
Des utilités pratiques de l'écharpe.Une écharpe accessoire peut également rafraîchir une robe trop portée ou désormais désuette. Ainsi, "on la place sur une robe quelque peu usagée, de manière à recouvrir les parties défraîchies et à renouveler ainsi l'apparence de la toilette". Ou bien, "montée à plat sur l'encolure, comme un empiècement, elle déguisera les traces d'usure plus visibles à cet endroit" (4). Ou encore, "nouée autour des hanches d'une robe trop étroite, elle dissimulera ce manque d'ampleur" (4).
Voici de gauche à droite trois manières de rénover une robe à l'aide de l'écharpe (1924) :
1. Sur un fourreau de satin noir dont l'éclat est quelque peu terni, on posera une bande de crêpe Georgette noir, taillée en biais à ses deux extrémités pour former la cape et le tablier à godets en forme. Ce modèle est presque entièrement voilé par le crêpe dont les deux extrémités s'élargissent en godets, alors que dans le centre de l'écharpe est taillé un orifice suffisant pour laisser passer la tête et former le décolleté.
2. Ce sont trois bandes de tulle de même teinte allant du plus clair au plus foncé (du mauve clair au violet, ou du beige au brun foncé), qui donnent du relief à une robe de crêpe satin de couleur trop sombre. Un ornement fantaisie fixe le tulle sur l'une des épaules, laissant les deux extrémités mobiles s'enrouler à volonté autour du cou et des bras.
3. L'écharpe de tulle est disposée à la manière d'un empiècement et retombe de chaque côté en panneaux flottants, qui s'enroulent aux épaules. On peut à volonté laisser pendre l'écharpe en une double traîne comme ci-dessus, ou la relever de façon à voiler le décolleté (voir l'image suivante). L'un des côtés, sinon les deux, peut s'enrouler autour du bras et du cou, à la manière de l'exemple-dessous.
Sur le modèle du troisième exemple de l'image précédente, une écharpe est ajoutée à une robe de satin, sous forme d'une bande de tulle montée à jour au bord du décolleté et s'enroulant autour des bras (1924).
Une écharpe de mousseline est bordée tout au long d'une étroite bande perlée qui la fixe à la robe de satin, en partant du devant, contourne les épaules, travere le dos, et revient ensuite voiler le bras gauche et longer la robe jusqu'au bas (1924).
Ce modèle très simple de robe en crêpe marocain noir est renouvelé par une écharpe de Georgette écaille ou du même tissu, posée sur les épaules et fendue en partie, recouvrant la robe d'une cape flottante dans le dos, tandis que les deux sections du devant sont nouées ensemble comme s'il s'agissait d'une écharpe ordinaire faisant le tour du cou.
Sources :(1) 1920 La gazette du bon ton "Vite ! Une écharpe"
(2) 1922 Vogue "Recréons la féérie des couleurs joyeuses"
(3) 1924 Vogue "Vite, une écharpe"
(4) 1924, Vogue "Des diverses interprétations de l'écharpe"
Illustrations :Revues anciennes de mode sur Gallica : "Vogue" (1922, 1924), 'La Gazette du Bon ton" (1920), "Art, goût, beauté, feuillets de l'élégance féminine" (1924, 1925)
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