Du côté de chez Swann

Publié le 31 mars 2016 par Pralinerie @Pralinerie
J'ai commencé la Recherche il y a des années et, coupée par une rentrée des classes, je n'avais pas poursuivi malgré mon engouement pour la plume de Proust. Un peu honteuse de l'abandon et inquiète de n'avoir jamais la disponibilité nécessaire pour ce type de lecture, je ne savais pas trop comment et quand reprendre. Et finalement, j'ai ouvert le livre, lu les premières phrases... et ai laissé le texte m'embarquer de nouveau. Car des les premières lignes, Proust m'a séduite à nouveau par son rythme, son choix des mots, ses images.

En trois parties, "Combray", "Un amour de Swann" et "Noms de pays: le nom", ce premier opus de la Recherche nous présente le jeune narrateur, hypersensible et amoureux. De sa maman, de Gilberte. Enfin, il se présente lui-même. Il nous introduit également à cet étonnant Charles Swann, bourgeois qui fréquente la plus haute société mais s'entiche d'un coquette cocotte, Odette de Crecy. Il nous invite à découvrir les paysages normands, les tantes hypocondriaques, les écrits de Bergotte, le cercle des Verdurin.  Je ne sais trop que vous dire sinon que j'étais littéralement hypnotisée par les phrases de Proust, par ses images esthétiques et littéraires. L'évocation des œuvres d'art est en effet un des éléments que j'ai le plus apprécié, émaillant ma lecture d'images peintes. J'ai aussi été fascinée par cet amour idiot de Swann pour Odette. Cette jalousie si puissante qu'elle ressemble à l'amour. La description de ce sentiment dans toutes ses nuances est une vraie richesse de l'ouvrage.


J'ai bien entendu souligné et noté bien des passages. Je vous en livre quelques phrases : "J'appuyais tendrement mes joues contre les belles joues de l'oreiller qui, pleines et fraîches, sont comme les joues de notre enfance"

"Contrairement à ce qu'on voit dans le visage de beaucoup d'humains, il n'y avait d'ironie que pour elle-même, et pour nous tous comme un baiser de ses yeux qui ne pouvaient voir ceux qu'elle chérissait sans les caresser passionnément du regard" "Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres" "Il en est ainsi de notre passé. C'est peine perdue que nous cherchions à l'évoquer, tous les efforts de notre intelligence sont inutiles. Il est caché hors de son domaine et de sa portée, en quelque objet matériel (en la sensation que nous donnerait cet objet matériel), que nous ne soupçonnons pas. Cet objet, il dépend du hasard que nous le rencontrions avant de mourir, ou que nous ne le rencontrions pas." "Tachez de garder toujours un morceau de ciel au dessus de votre vie" "Elles pensaient qu'on doit mettre devant les enfants, et qu'ils font preuve de gout en aimant d'abord les œuvres que parvenu à la maturité, on admire définitivement. C'est sans doute qu'elles se figuraient les mérites esthétiques comme des objets matériels qu'un œil ouvert ne peut faire autrement que de percevoir, sans avoir eu besoin d'en mûrir lentement les équivalents dans son propre cœur" "Et tandis que la vue purement charnelle qu'il avait eu de cette femme, en renouvelant perpétuellement ses doutes sur la qualité de son visage, de son corps, de toute sa beauté, affaiblissait son amour, ces doutes furent détruits, cet amour assuré quant il eut à la place pour base les données d'une esthétique parfaite"

"Aussi, se privait-il d'y aller, ayant plaisir à se dire que c'était pour elle, qu'il voulait sentir, n'aimer qu'avec elle" "La disposition particulière qu'il avait toujours eue à chercher des analogies entre les êtres vivants et les portraits des musées s'exerçait encore mais d'une façon plus constante et plus générale ; c'est la vie mondaine tout entière, maintenant qu'il en était détaché, qui se présentait à lui comme une suite de tableaux"