By Sandrine Virbel
By Dominique_Manotti_(Huma_2006).jpg: User:Fred.th derivative work: César (Dominique_Manotti_(Huma_2006).jpg) [CC BY-SA 2.5 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.5), CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/) or GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html)], via Wikimedia Commons
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Polar, roman noir, reflets obscurs des travers de la société. Quand la fiction se nourrit de la réalité, le roman noir se fait témoignage à peine voilé de nos désordres sociaux. Rencontre croisée avec 2 auteurs passionnant, passionnés, curieux sans oublier d'être facétieux : Dominique Manotti et Caryl Férey.Crime avec préméditation : quelques mots sur les 2 auteurs ...
Suspect n°1, Dominique Manotti est historienne de formation (matière qu'elle a enseignée au lycée et à l'université) mais aussi militante politique et syndicale. À son actif, elle avoue une dizaine de romans depuis la sortie de " Sombre sentier " en 1995, dont l'un d'entre eux " Nos fantastiques années fric " a été adapté au cinéma sous le titre " Une affaire d'État ". Elle a obtenu le Prix mystère de la critique et le Grand Prix de littérature policière...
Dangereuse récidiviste, elle documente soigneusement ses écrits qui prennent alors l'apparence de radiographies de notre société. Et ce n'est pas beau à voir !
Suspect n°2, Caryl Férey est auteur de roman policier et jeunesse, scénariste mais aussi un grand voyageur. On trouve également les traces d'un passé de performer avec des musiciens... C'est dire si le personnage est à surveiller avec un parcours pareil !
Ses écrits s'inspirent de ses voyages comme en témoigne les titres : " Zulu " (adapté au cinéma)... " Haka "... " Mapuche "... " Utu "...
Sa funeste carrière est auréolée de nombreuses distinctions : Grand Prix de la littérature policière, Grand Prix des lectrices de Elle, Grand Prix du roman noir, Prix mystère de la critique, Prix des lecteurs Quai du polar...
L'homme est dangereux, on vous dit !
Interrogatoire croisé, lampe braquée sur les visages, bottin ne laissant pas de trace posé sur la table, ils vont cracher le morceau ! Alors les zozos, c'est quoi la différence entre le roman policier et le roman noir ?Dominique Manotti : Dans le policier comme dans le roman noir, le crime est l'instrument d'étude de la société. C'est le scalpel, l'acide de la société...
Le policier, c'est surtout Agatha Christie, c'est le " who done it ? ", le crime commis par 1 individu, la structuration du livre se construit autour de l'enquête. Le criminel est découvert puis puni, l'ordre est ainsi rétabli.
Le roman noir est viscéralement sombre, il n'y a pas de fin heureuse, l'ordre ne revient pas.
Le roman s'inscrit dans un système corrompu de la société. Le meilleur exemple pour comprendre le roman noir se retrouve dans l'œuvre de Dashiell Hammett...
Caryl Férey : et nous sommes tous deux fans de James Elroy qui est aussi très représentatif du genre...
Vous me prenez pour un cave en me lançant des noms d'autres suspects pour noyer le poisson ? Revenons à ce qui nous intéresse... Dominique Manotti, peut-on dire que vous portez un regard d'historienne sur le roman noir et vous, Caryl Férey, un regard journalistique ?Dominique Manotti : oui, toute ma formation et toute ma carrière sont en lien étroit avec l'histoire. J'en extraie des points de bascule qui font naître le roman. Le roman noir est toujours plus fort dans les moments de crise.
Mes romans sont toujours rapides, intenses, concentrés... les histoires s'étalent sur une période de 15 jours.
Caryl Férey : mes romans sont toujours situés dans un pays de l'hémisphère sud. Ce sont des livres politiques dans le sens où ils permettent également de constater comment les pays réagissent devant les crises. Dans le cas de l'Argentine, c'était le rejet du néolibéralisme. J'ai été très ému par les grands-mères de la Place de mai qui réclamaient d'en savoir plus sur leurs proches disparus...
Dominique Manotti : Si vous en avez l'occasion, visionnez le film allemand " le labyrinthe du silence " ... cela montre bien des choses... cela aide à comprendre notre travail...
Caryl Férey : oui, on part de la découverte de faits réels pour bâtir un roman autour...
Comment gérez-vous le temps de documentation par rapport à celui de l'écriture ?Dominique Manotti : mon point de départ, c'est de comprendre un problème, une situation. Je passe en moyenne 1 an et demi en documentation et 6 mois en écriture.
Caryl Férey : pour ma part, je me focalise sur un pays avec un fait historique fort. Je me rends sur place, je voyage dans le pays sur la trace des lieux du roman. Je passe une année en documentation, une année de gestation et une année d'écriture.
Vos personnages sont-ils fictifs ou réels ?Dominique Manotti : ils sont fictifs. Ce n'est ni de la biographie, ni du roman à clés. Si j'utilise un personnage réel, il sera secondaire et très proche de la réalité. Dans ce cas, je réalise des fiches biographiques.
Sinon, mes personnages ont souvent quelque chose de moi...
Caryl Férey : on y met pas mal de notre tempérament. Mes héros sont des personnes qui luttent qui font front...
Et la violence dans vos romans?Dominique Manotti : la violence est en chacun de nous mais on la gère. Il n'y a pas des personnages tout blanc ou tout noir, ils sont gris !
C'est d'ailleurs tout l'intérêt du roman noir dans la compréhension du monde actuel : pas de mal ou de bien absolu...
Caryl Férey : je suis d'accord, il ne faut pas avoir une approche manichéenne. S'il y a des scènes ultraviolentes dans mes romans ce n'est pas gratuit, elles sont réelles, elles sont issues de témoignages. Je n'ai pas de goût pour le gore.
Tout se recoupe et finit par faire sens, même dans la violence.
Alors, où se trouve la frontière entre la fiction et la réalité ?Dominique Manotti : si je pars d'anecdotes véridiques, les histoires sont inventées. Je ne souhaite pas qu'on m'accuse de faire de la caricature comme cela a été le cas pour " Bien connu des services de police... ". Il y a un véritable déni, un refus de voir et de se confronter à ce qui gangrène la société.
Caryl Férey : comme on dit " la réalité dépasse souvent la fiction ". Prenez mes romans sur les maoris en Nouvelle Zélande. Voilà un pays à la réputation calme mais qui présente un vrai " problème " maori. Pas besoin d'en rajouter !
Et le passage au cinéma ?Caryl Férey : " Zulu " a été adapté au cinéma par Jérôme Salle avec Orlando Bloom et Forest Whitaker. J'ai été choisi pour assurer l'adaptation du roman en scénario. Mais j'ai dû l'arranger, l'aménager pour que cela plaise et finalement, il y a eu un autre scénariste !
Dominique Manotti : " Nos fantastiques années fric " a été librement adapté au cinéma sous le titre " Une affaire d'État ". Mais dernièrement, j'ai eu un projet de série pour la télévision, ce qui a représenté 6 mois de travail. Écrits à 4 mains, les 8 épisodes de la série ont été finalement refusés par la TV.
Ces 8 épisodes ont été transformés en 8 chapitres partagés avec le coauteur, selon les personnages créés par chacun...
Bon, je vois que vous ne voulez, ni l'un ni l'autre, cracher le morceau... vous êtes libres. Mais n'oubliez pas... je vous ai à l'œil... Filez avec que je ne change d'avis...Merci à la médiathèque Georges-Wolinski de Noisy le Grand p our cette rencontre avec les deux auteurs.
Les notes, librement mises à votre disposition et légèrement mises en scène, ont été prises à l'occasion des échanges.
Liens Dominique Manotti : http://www.dominiquemanotti.com/ http://www.carylferey.com/