Kampot (4) : La montagne et l’effacement

Publié le 30 mars 2016 par Chantalserriere

Voir la montagne

Ne plus voir la montagne

Re-voir la montagne

François Cheng, le Dialogue

Parfois la montagne de Bokor, parmi les derniers sommets de la Chaîne de l'Eléphant qui prolonge au sud, celle des Cardamomes,

Photo empruntée à ce blog

s'évanouit dans la brume. Il s'y trouve encore la station fantôme bâtie à grands frais qui a causé la mort de deux mille constructeurs de la route, entre 1917 et 1921, conduisant au sommet.

photo empruntée à ce blog

Marguerite Duras témoigne: C'eût été un travail comme un autre, s'il n'avait été effectué à quatre-vingts pour cents par des bagnards et surveillés par les milices indigènes qui en temps ordinaires étaient affectées à la surveillance des bagnes de la colonie.Ces bagnards, ces grands criminels découverts par les blancs à l'instar des champignons étaient condamnés à vie. Aussi les faisait-on travailler seize heures par jour, enchaînés les uns aux autres, quatre par quatre en rangs serrés...(Un barrage contre le Pacifique)

Aujourd'hui de nouveaux projets sont en cours visant à faire revivre la station climatique.

Et curieusement, plutôt que Marguerite Duras, c'est François Cheng qui semble guider le cheminement de la pensée, face à la montagne, à sa disparition, à sa réapparition, de l'autre côté de la rivière du temps.

D'après la philosophie chinoise, écrit-il, trois à étapes sont nécessaires menant de la perception à la connaissance:

Voir la montagne

Ne plus voir la montagne

Re-voir la montagne

L'illumination de l'instant qui transcende le temps s'obtient par le dépouillement et la vacuité, c'est-à-dire par l'effacement d'un sujet trop plein de soi. (Le dialogue).

photo Guy Serrière