Partager la publication "[Critique] LE SANCTUAIRE"
Titre original : The Hallow
Note:
Origine : Grande-Bretagne/Irlande
Réalisateur : Corin Hardy
Distribution : Joseph Mawle, Bojana Novakovic, Michael McElhatton, Michael Smiley, Stuart Graham, Gary Lydon…
Genre : Épouvante/Horreur
Date de sortie : 30 mars 2016
Le Pitch :
Un homme, accompagné de son épouse et de leur bébé, est envoyé dans un coin reculé de l’Irlande afin de mener des recherches pour le compte d’une grande entreprise. Plongée au cœur d’une région mystérieusement épargnée par le déboisement industriel, la famille ne tarde pas à se heurter à la population locale, qui ne cesse d’émettre des mises en garde au sujet de phénomènes aussi mystérieux qu’agressifs. Refusant de se laisser intimider et demeurant quoi qu’il en soit septique au sujet de ces croyances d’un autre âge, l’homme doit pourtant se rendre à l’évidence : une force inconnue en a après les siens…
La Critique :
Aucune star, un réalisateur jusqu’ici uniquement connu dans le petit monde du court-métrage, une production modeste… Le Sanctuaire avait tout pour ne pas sortir en salle chez nous. À l’heure où la prudence est de mise chez des distributeurs qui se refusent bien souvent à ne pas prendre le moindre risque, le fait de voir un film d’horreur à l’ancienne comme celui-là sous le feu des projecteurs fait plaisir. Et même si la sortie en question n’est pas non plus gigantesque. Au fond, le plus important est de rendre hommage à Océans Films qui a cru en ce long-métrage, par ailleurs présenté au Festival de Sundance, précédé d’une très bonne réputation, comme en témoigne notamment sa victoire aux Empire Awards 2016.
Au premier plan, un acteur solide, à savoir Joseph Mawle, connu pour avoir brièvement tenu le rôle de Benjen Stark dans la première saison de Game of Thrones. Ce n’est d’ailleurs pas le seul transfuge de la série que l’on retrouve au générique du film (Michael McElhatton, alias Roose Bolton est aussi de la partie). Un comédien qui se retrouve à la tête d’un casting de gueules dans lequel officie également le génial Michael Smiley, l’un des plus fameux seconds rôles du cinéma britannique. La dynamique du Sanctuaire est simple et consiste donc à positionner ce type, sa femme et leur jeune enfant, au cœur d’une forêt, dans une maison isolée. Les références de Corin Hardy, le réalisateur, sont évidentes et bien mises en avant. Lui-même décrivant en effet son premier long-métrage comme un mélange du Labyrinthe de Pan et des Chiens de Paille. Pour ce qui est du premier, en effet, tout est là. Le bois, les créatures, les mythes et autres légendes et l’aventure d’un personnage qui va devenir le témoin puis l’acteur d’une distorsion cauchemardesque de la réalité. Pour la seconde référence, force est de reconnaître le caractère très malin du film qui s’apparente en effet par moment à une déclinaison des Chiens de Paille. La maison est quasiment la même, seule la nature des agresseurs change. La construction du récit s’avère ainsi parfaitement maîtrisée. Les codes ont connus, Corin Hardy le sait, mais le respect est total, tout comme l’application à poser une ambiance et faire monter la pression au fil de scènes puissantes, qui ponctuent une progression régulière, sans véritables temps morts ni fautes de goût.
Le fait de ne pas suivre de grands acteurs renforçant le caractère intimiste de cette production plus ambitieuse qu’elle n’en a l’air et lui conférant aussi une apprêté et une capacité à immerger le spectateur, que beaucoup de ses concurrents peinent à atteindre, mais dont tous rêvent.
On se plonge non sans un certain plaisir (croissant qui plus est) dans cette forêt mystérieuse, en s’amusant des détours que prend le scénario, sans pour autant se perdre, pour à la fois payer son tribut à ses références, mais aussi pour se bâtir une identité propre. Oui, on pense à Alien, à The Thing et à tout un tas de films de monstres, mais au fond, Le Sanctuaire arrive à ne pas ressembler à un vulgaire collage. La sincérité est bien là et c’est important, mais la volonté acharnée de soigner tous les aspects de la production pour au final livrer ce qui pourrait bien être un petit classique du genre, est encore plus grande. À vrai dire, le seul reproche que l’on pourrait faire au long-métrage est son manque d’originalité, bien qu’au fond, le spectacle fait preuve de panache. Une originalité que Corin Hardy ne recherche pas à tout prix. Lui, ce qu’il veut, c’est faire peur. Renouer avec la verve des classiques de l’horreur d’antan. Avec ses effets-spéciaux, à la fois « old school » mais aussi totalement convaincants quand il convoquent des techniques modernes, sa réalisation nerveuse et ses acteurs investis, Le Sanctuaire ne cesse de gagner des points.
Fin du fin : il dégage également une sorte de poésie macabre que n’auraient certainement pas renié Lovecraft et Poe. Sur bien des aspects Le Sanctuaire est une œuvre gothique. Un conte de fée crépusculaire, violent et sauvage, mais aussi et surtout baigné dans une émotion qui fait toute la différence. Métaphore sur la paternité, l’ambition et l’industrialisation massive de notre monde, manifeste écologique, Le Sanctuaire est tout cela à la fois.
Dans le sillage de The Descent, The Canal et de toutes ces œuvres horrifiques en provenance du vieux continent, touchées par une grâce marquée par une sincérité et une authenticité qui font défaut à une concurrence cloisonnée par des clichés encombrants et des velléités mercantiles, ce voyage au cœur d’une nuit peuplée de créatures brutales fait mouche. Il glace autant qu’il émeut, et si il se range un peu sur la fin, il ne se départit jamais d’une puissance évocatrice parfaitement à propos et surtout ô combien rare.
@ Gilles Rolland