Il y a quelques années, une petite fille de 2 ans 1/2 en pleine élaboration d'un puzzle Bambi, m'a tirée par la manche (comme tous les gamins dès que vous êtes occupé à autre chose plus de 3 secondes et demi) et m'a dit "il y a 31 pièces". J'ai d'emblée répondu "non, tu te trompes, ce n'est pas possible", avant de prendre la peine de regarder le puzzle ... auquel il manquait 4 pièces.
L'anecdote n'aurait été qu'une petite leçon (tourner sa langue 7 fois dans sa bouche avant de faire taire les enfants avec nos semi-vérités bien arrêtées d'adultes), si la suite ne m'avait pas scotchée. Elle avait spontanément poursuivi : "ben oui, 35 - 4". Oooops ... (euh, mais je croyais que tu ne savais même pas compter jusqu'à 10 ?)
De la communication au savoir et de la communication du savoir
Or deux ou trois ans plus tard, cette petite fille était toujours supposée, sur son bulletin scolaire, ne pas avoir acquis certaines compétences : notamment savoir compter jusqu'à 30. Elle était en effet incapable d'énoncer les nombres dans l'ordre, sans se tromper et systématiquement oublier en route quelques uns d'entre eux, qui n'étaient "pas ses copains" : le 14, le 16, le 23 (qui sont à l'évidence très antipathiques ! ;) ).
Scolairement, ajouté à d'autres effets du même ordre, cela faisait d'elle une déficiente intellectuelle ou un cancre en puissance, très en retard sur le reste de sa classe ... mais ne l'empêchait nullement de connaître leur existence, et donc de globalement bien les manipuler entre eux, au contraire de la plupart des enfants de son âge.
Une simple convention de langage, un nom de variable ...
Indépendamment du fait que cela pose à certains parents l'insoluble choix de faire redoubler l'enfant en espérant "que ça s'arrange" (mais bien sûr) ou de l'envoyer jouer les petits-génies-poussés-par-les-parents (tu seras X sinon rien) dans la classe au dessus ... messieurs les imprimeurs de carnets de notes, bulletins scolaires et autres imprimés structurants, "compter", n'est-ce pas aussi savoir calculer ("déterminer par le calcul", source Le Robert), et non seulement énumérer des listes de mots appris par coeur, sans forcément leur prêter sens ?
Je ne sais rien mais je dirai tout !
De la meilleure façon de faire savoir ce que l'on sait ...
"Celui qui dit que deux et deux font quatre, a-t-il une connaissance de plus que celui qui se contenterait de dire que deux et deux font deux et deux ?" (d'Alembert)
"Mars, Vénus, Saturne ... ce qui m'étonne ce n'est pas qu'on ait découvert tous ces astres lointains, c'est qu'on connaisse leur nom." (Jean Nohain)
... ou de faire savoir que l'on sait ! :)
"Il nous est plus facile de nous teindre d'une infinité de connaissances, que d'en bien posséder un petit nombre." (Vauvenargues)
De la connaissance au savoir.
"J'entends et j'oublie. Je vois et je me souviens. Je fais et je comprends." (Confucius)
"La connaissance s'acquiert par l'expérience, tout le reste n'est que de l'information." (Einstein)
Et alors, qu'est-ce que le savoir ?
"La théorie, c'est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c'est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi." (Einstein)
"Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien." (Socrate)
Définition des connaissances et validation des acquis professionnels
La validation des acquis de l'expérience est une mesure permettant à toute personne, quels que soient son âge, son niveau d'études, son statut, de faire valider les acquis de son expérience professionnelle pour obtenir un diplôme, un titre ou un certificat de qualification professionnelle.
"La validation est effectuée par un jury dont la composition garantit une présence significative de représentants qualifiés des professions concernées. [...] Le jury se prononce au vu d'un dossier constitué par le candidat, à l'issue d'un entretien à son initiative ou à l'initiative du candidat et, le cas échéant, d'une mise en situation professionnelle réelle ou reconstituée [...] " (Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.)
D'Alembert le constate : une équation, même non conventionnellement écrite ou énoncée ("dans les règles de l'art"), n'en reste pas moins vraie ... donc susceptible d'être parfaitement conçue. A contrariori, son énoncé ne préjuge pas à lui seul de la façon elle est comprise, et appliquée.
Aucun langage n'est supra-conducteur : propre à retranscrire parfaitement cette conception. Le savoir suppose un processus d'assimilation et d'organisation de connaissances qu'en l'état actuel des sciences et techniques, nul n'est capable d'entièrement modéliser.
Est-ce qu'en matière de V.A.E., ceci ne souligne pas l'intérêt pour les autorités de certification, de s'assister le plus systématiquement possible, de cette "présence significative" et de cette "mise en situation", que le législateur a prévues, pour réduire les effets des difficultés de toutes sortes que peuvent rencontrer les candidats à formaliser leur expérience, en particulier selon des codes propres à l'environnement d'enseignement scolaire ou universitaire ?