La tombe
le livre inachevé
au point où elle ouvre sur le berceau
a laissé se défaire l’alphabet
toutes les lettres
excepté celle du nom
Quatre consonnes !
la cloche
Deux voyelles :
le battant
Comme des livres jetés sur la table
pierres tombales
jamais lues
mais déchiffrées par le safran des lichens
petits yeux fleuris
au fond d’une lune
arrêtée sur le cyrillique
Entre elles
elle ne se touchent pas
frontière
front
chacun garde le feu de sa vie
sans que le sang en déborde
feu scellé
pierre à feu
Les pensées
la nuit
conciliabules de voleurs
aiguisent un couteau de lumière
au fil rompu
Elle se précipitent
coulée de brebis
dans l’entonnoir de montagne
remplissent la bouteille terre
qui ne peut plus verser
aux déclinaisons océaniques !
Dans l’obscurité
saisie de visions
pas de son
pas d’ombre
muettes et articulées
lancées
au petit jour
elles sonnent
comme la pièce de monnaie retirée
au fond d’une flaque
Dix mille ans enveloppant un caillou
Ne le recouvrent pas
La seconde est coup de pierre
Sa paume : la terre
De dos à la face du mot
Le caillou
L’ouvrir : être ce dont il est le centre
La fêlure, le filin
Éclair muet
Anne de Staël, Le Cahier océanique, Éditions La Lettre volée, 2016, pp.76/78 et 119