La situation de l'Amapa après les dernières élections du gouverneur mérite un regard de sociologue afin de déterminer l'influence de la corruption politique maximale sur un territoire. Mais c'est le peuple qui l'a voulu. C'est en cela que la situation est intéressante pour un sociologue, car elle peut se reproduire en France alors que nous aurons bientôt de nouvelles élections présidentielles.Bruno, un ami de longue date rencontré en Guyane me disait que s'il demandait un renseignement quelconque sur une direction à prendre, la réponse n'était jamais fiable. Même si la situation en Guyane n'est pas tout à fait celle du Brésil, le peuple est enfermé dans un hopital psychiatrique géant, celui du capital et des monopoles.La banque Bradesco à Oyapoque offre ce matin un spectacle désolant, mais aucun attroupement. Une énorme vitre jouxtant les bureaux a été détruite, le vigile est calme, mais lorsque je demande s'il y a une caisse qui est reliée à l'international, il ne sait pas. Les caisses automatiques de la Banco do Brasil fonctionnent avec les smartphones maintenant. C'est comme ce type qui se jette sur moi à l'arrivée de la pirogue, et me demande si je vais de ce pas à Macapa. Ma réponse négative l'éloigne, et il ne s'inquiète pas de savoir si j'ai besoin d'autre chose, un taxi par exemple, ou un change de monnaie. Le monde libéral fabrique des travailleurs fermés et incapables de souplesse .Mon amie peut s'acheter la fameuse farine de manioc bien blanche qui la fait rêver, et je paie la chambre qui n'a pas changé de prix malgré la chute du réal. Elle me coûte donc deux fois moins cher. L'essence n'a pas doublé de prix mais elle a augmenté d'environ 25%. Le prix du voyage de Oyapoque vers Macapa reste également dans la tradition, soit 200 reals en cette période de fêtes de fin d'année. Soit 50€.Et ce jour, une pensée pour les migrants.
Le gouvernement de Dilma Rousseff , national, devient très critiqué par l'assemblée qui demande des comptes exacts à la dauphine de Lulla.
Cependant, au Brésil, on sait gérer l'accueil d'événements internationaux sans laisser la place aux violences .
Avec l'arrivée de Waldez Goes , ou disons le retour plutôt, à la direction de l'Amapa, par des moyens de corruption, cela n'a fait qu'empirer une situation déjà bien précaire.
Ce politicien a été réélu par trafic d'influence et en rémunérant les votes. De nombreux témoignages l'attestent. Les élections brésiliennes ne sont pas les meilleures du monde...
Le pauvre candidat éliminé, Camilo Capiberibe, crie son indignation sur Facebook.
Les fonctionnaires de l'Amapa ne sont plus payés, les projets sont anéantis.
A l'entrée à Oyapoque, c'est toujours la pirogue qui permet d'accéder à la ville, le pont étant devenu un monument de l'inutile et un hommage à la corruption brésilienne. Qui peut faire un pont ne peut entretenir l'amitié ni les connections web internationales, par un fil tiré depuis la Guyane mais qui est depuis longtemps coupé.
Alors à Oyapoque, l'Açaï est redevenu amer. Il est amer lorsque par économie, on rape trop loin, et le noyau donne son amertume au jus célèbre.
C'est une journée faste, après avoir changé des euros sur la rive de l'Oyapock, au taux de un pour 3.8, alors qu'à la banque on a un pour 4 mais la connection bancaire ne se fait plus avec l'international, je vais prendre un jus de Tapereba, c'est le jus de Monbin, fruit tropical bien parfumé. En chemin mon regard est attiré par une femme digne, élégante, un peu âgée, vêtue de noir. Je traverse la rue pour me régaler les yeux, et cette femme, c'est une amie que je n'ai pas revue depuis bien cinq ans. J'ai suivi ses aventures avec Facebook, et après son mariage qui devait être une fuite de la misère brésilienne, elle a divorcé et dit habiter dans le sud de la France. Quelle chance pour cette amazone, qui a trouvé tout de même avantage à fréquenter assidument des étrangers. L'autre théorème que l'on peut en tirer, c'est que le désir ne change pas.
L'accueil des étrangers est toujours optimal en Guyane, et au départ de la navette une bande de cow-boy vient arrêter un Brésilien en situation irrégulière, et l'extirpe du bus avec très peu d'élégance, d'autant que le pauvre bougre ne se défend pas contre trois malabars bien musclés, et vociférants. On ne m'a même pas demandé mes papiers, l'arrestation se fait bien au faciès. Rien n'a changé au pays des rivières. Ce sont pourtant des brésiliennes, dominicaines, chinoises, qui peuvent travailler en Guyane. Les autres touchent un salaire..
La Guyane a pourtant échappé au pire, qui aurait été l'élection de l'indépendantiste Tien Long au poste de Président de région. Rodolphe Alexandre garde sa fonction.
Ces régions périphériques sont finalement oubliées et propices aux multiples corruptions. Les inégalités sont criantes. Les luttes politiques sont truffées de conflits d'intérêts.
Comme il faut faire confiance au temps, un chauffeur de bus dit même que c'est le temps qui fait le temps, la situation se débloque un peu plus tard avec un autre vigile de la banque qui est mieux informé et m'indique le terminal connecté. Les billets sortent enfin.
Nous avons beaucoup de chance avec un taxi dont le pilote se nomme Francisco. Pas de frigo ou de caisse de poisson à charger, c'est déjà prêt... Juste nos valises sous la bâche protectrice. Même le plein est déjà fait. Décidément, il y a des travailleurs qui apprennent à mettre le client en situation de confort. D'autres vous chargent comme du bétail et passent une heure à faire le tour de la ville avant de prendre la route. A éviter, surtout lors des fêtes, le prix augmente encore de 25%.
Mon chauffeur de bus avait dit qu'il ne faisait pas de politique, car les deux qualités essentielles pour cela sont d'être bon menteur et bon voleur. Une image tenace et qui mériterait de changer totalement.
DD.