De Baudelaire, il a l’ennui et le désir d’ailleurs. Le désir seulement, car il est de ceux qui restent sur les quais à contempler les navires se fondre peu à peu dans l’horizon. Cet horizon, c’est L’horizon chimérique de Jean de La Ville de Mirmont.
De là le ton presque immobile de ce recueil de poèmes semblable à une mer étale, et ce vers – « Car j’ai de grands départs inassouvis en moi. » – qui cristallise la tension permanente d’un être qui ne s’accomplit pas. « Aspirer », « inassouvi », « désir » : ces mots constituent peut-être le vocabulaire de ce poète velléitaire, incapable de résoudre le dilemme qui l’habite et le gonfle comme une voile, vers un ailleurs qui se refuse irrémédiablement à lui, car lui-même se tient dans le fantasme et le désir, et y reste, pour notre plus grand plaisir : cela le fait écrire.
Jean de La Ville de Mirmont a aussi laissé des Contes, dont la nature fantastique et parfois le recours à l’allégorie les apparient à des fables (City of Benares, Les Pétrels). D’elles sourd une mélancolie rêveuse qui sonne comme une promesse d’évasion : en témoigne L’Orage, évoquant le tempérament romantique d’une jeune fille sensible prise dans le carcan de la vie familiale de l'époque. L’humour (souvent macabre) n’est pas dédaigné par l'auteur, comme dans Entretien avec le diable, où l’on apprend comment le narrateur, cherchant à fuir la monotonie de sa vie et sa lassitude, vend son âme pour une pendule. De beaux contes, en somme, portés par une écriture fine dont la fluidité sertit quelques belles images : « Les phares s’allumaient en clignant des yeux, un à un, le long de la côte. »
Avec Les dimanches de Jean Dézert également présent dans cette belle édition (Grasset, « Les Cahiers Rouges »), l'œuvre de cet homme de lettres mort trop tôt peut enfin revenir dans nos bibliothèques.
- L'horizon chimérique, de Jean de La Ville de Mirmont, Grasset, 8,40 €.